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Quel(s) outil(s) pour une transformation sociale radicale ? (4 bis)
Quel parti révolutionnaire ? (suite)
mercredi 17 août 2011, par
Cet article fait suite à :
– Naissance des partis "modernes"
– Partis bourgeois et partis ouvriers
– Partis réformistes/partis révolutionnaires
– Quel parti révolutionnaire ?
Avant de reprendre le fil de l’exposé annoncé, il me semble utile de poser une question « toute bête » mais à bien des égards fondamentale : comment peut on se définir comme un parti révolutionnaire et n’avoir jamais vraiment tenté de propulser une révolution ? Telle est bien la situation dans laquelle se trouve le PCF et il n’est pas le seul dans ce cas. A vrai dire le cycle des révolutions possibles en Occident s’est refermé (Lénine l’avait bien compris) au début des années 1920 et plus particulièrement avec l’échec de l’Octobre allemand en 1923.
Ceci dit les partis communistes, une fois dépassée la conjoncture d’embrasement révolutionnaire de l’après Première guerre mondiale ont contribué à la défense de la révolution russe et à la reprise de l’essor des révolutions en Asie notamment. Ils ont aussi agi dans le cadre des alliances antifascistes et ont appuyé les luttes de libération. Cette immense contribution aux luttes du XXe siècle a constamment situé le PCF dans le mouvement révolutionnaire mondial.
Et son originalité aujourd’hui est de déclarer, à la différence de bien d’autres partis qui se sont dit communistes, ne pas renoncer à une transformation sociale fondée sur des ruptures. Bien sûr le schéma de la rupture globale et brutale n’est plus soutenu depuis bien longtemps : le jeu démocratique est admis avec toutes ses conséquences et contradictions. Sur la question compliquée de la réforme et de la révolution qui n’a cessé d’être discutée au cours du siècle dernier, je ne puis développer dans les limites de ce texte la dialectique qui peut se jouer et je m’autorise donc à renvoyer l’internaute curieux à une conférence présentée en octobre 2009 sur le problème des stratégies de réforme [1].
Je reviens à la question du parti telle qu’elle a été historiquement pratiquée jusqu’à la fin des années 1970, c’est à-dire dans la période qui s’inscrit encore dans la phase ascendante du long cycle économique commencé dans l’immédiat après guerre. Au cours de cette période la parti conserve l’essentiel des traits organisationnels et de fonctionnement acquis dans l’entre deux guerres.
L’arrimage à la classe ouvrière se réalise par le biais de l’organisation politique à l’entreprise mais aussi par les responsabilités exercées au niveau des communes. Dans le contexte très dur de la guerre froide et des guerres coloniales, l’action du parti centralisé, discipliné et qui réalise un effort idéologique considérable permet les résistances et renforce les identités. On a ainsi pu parler d’une contre société communiste. L’expression est sans doute exagérée, encore que…
La société sur laquelle intervient le parti se modifie profondément. Passées les années de reconstruction, s’enclenche le long cycle économique de grande croissance appuyé par le mécanisme de l’action imbriquée de l’État et des monopoles (le Capitalisme monopoliste d’État). A la moitié des années 1960 les transformations s’accélèrent (on a pu parler s’agissant de la séquence 1965-1984 de « deuxième révolution française ») et provoquent de grands ébranlements dans la structuration de la société, ses références, ses cultures que le mouvement de mai-juin 1968 met en évidence de manière souvent confuse mais de grande portée.
L’entrée en crise structurelle (la phase descendante du cycle) dès le post 1968 percute tous ces mouvements et accentue certaines évolutions dont la quasi liquidation de la classe ouvrière classique (après celle de la paysannerie) constitue un élément fondamental pour le parti communiste qui avait enraciné son développement sur elle.
Si l’on ajoute à ces immenses restructurations (200 000 emplois industriels perdus en vingt années en Seine-Saint-Denis), l’entrée dans le chômage de masse, la montée des précarités et pauvretés sur fond de mondialisation et surtout, peut-être la crise de la politique et plus particulièrement de l’espérance de transformation sociale en raison des désillusions provoquées par les abandons socialistes, on voit se réunir dans une période assez longue tous les éléments d’une désagrégation idéologique [2].
Dans ce contexte d’une très grande complexité il apparaît que le parti tel qu’il a fonctionné n’accroche plus la société et cela provoque débat en son sein. Les adaptations auxquelles les communistes procèdent au fil du temps (recul du centralisme, reconnaissance de fait de courants, remodelage des structures…) n’ont pas été à même de modifier fondamentalement la donne. Des reculs ont continué de se produire conduisant à l’affaissement de la fonction éducative interne, à l’installation d’une organisation en archipel, à des crises de direction récurrentes, à une autonomisation relative des élus (vieille maladie social-démocrate). Les communistes ont beaucoup discuté de leurs expériences heureuses et malheureuses et l’heure est sans doute venue de procéder aux ajustements, rectifications et tournants peut être nécessaires. Il s’agit de redonner à l’outillage « parti révolutionnaire » sa capacité à propulser le peuple vers des transformations radicales de la société.
Nous verrons dans le prochain papier la nature et la portée possible de la stratégie des fronts de luttes et du front de gauche, qui peut constituer une immense novation stratégique et poser dans des termes bousculés les questions des partis, du mouvement social, de la direction du mouvement historique et de la société.
J’indique aux lecteurs intéressés qu’il existe sur le site de notre section (à la date des 11 et 15 juillet 2009, rubrique « Réflexions/idées ») une étude sur la question des fronts à laquelle il peut être utile de se reporter.
A.N.
La suite ici : Les raisons historiques de la construction du Front de gauche
Notes
[1] Le texte de cette conférence a été publié sur le site de la section, rubrique « Réflexions/idées », les 10, 15 et 22 novembre 2009.
[2] Il conviendrait également de mesurer les impacts de crise sur le mouvement syndical, l’affaissement de la syndicalisation, les tentatives de création d’un front réformiste à l’initiative de certains éléments du Parti socialiste, la recherche de l’isolement du syndicalisme de classe incarné en France par la CGT... Nous y reviendrons sans doute un jour.
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