Quel(s) outil(s) pour une transformation sociale radicale ? (2)
Partis bourgeois et partis ouvriers
vendredi 5 août 2011
Cet article fait suite à l’article "Naissance des partis modernes".
Les séquences (Révolution, 1er Empire, Restauration, IIe République, IIe Empire, IIIe République) qui ont scandé près d’un siècle d’histoire de la France ont placé au cœur du débat politique la question de la forme capable d’organiser la société : République ou monarchie plus ou moins tempérée. Les forces sociales qui portent cette discussion s’organisent en factions, groupements, et, dès lors que la IIIe République s’installe, en groupes parlementaires qui sont une certaine expression partidaire.
Durant la période qui court de la Révolution à la veille de la IIIe République, les ouvriers sont à peu près absents de la scène sociale. Dans l’ordre syndical (professionnel) ils sont, depuis la loi Le Chapelier de 1791, interdits d’organisation et contraints pour se défendre de ressusciter les vieux compagnonnages secrets et de développer l’action mutualiste. Les voies de l’utopie explorées par Saint-Simon, Cabet, Fourier, Considérant,…attirent ceux qui rêvent d’une société idéale à bâtir de toutes pièces.
Pierre-Joseph Proudhon, de son côté, développe l’idée que les ouvriers doivent se tenir en dehors de la politique, ignorer les élections et construire leurs propres espaces sociétaux par le biais de l’association et de ce qu’il appelle le mutuellisme. Le proudhonisme va profondément marquer la culture ouvrière nationale à une époque où domine encore l’atelier et installer des représentations de la transformation sociale s’écartant des modèles dominants dans la vieille Europe.
C’est dans ce contexte qu’aggrave encore la terrible rupture avec la République résultant des massacres de juin 1848 que va se poser la question de l’organisation du mouvement ouvrier [1].
Retenons 1864 comme date symbolique. C’est à la fois l’année où :
l’Empire lève partiellement les interdits de 1791 en matière de droit de coalition et autorise sous conditions la grève, ;
est créée à Londres l’Association internationale des travailleurs (AIT), autrement dit la Première internationale ;
est publié à l’initiative de l’ouvrier ciseleur Henri Tolain [2] le Manifeste des soixante qui affirme la nécessité de candidatures ouvrières et proclame que les ouvriers constituent « une classe spéciale de citoyens ayant besoin d’une représentation directe ». Karl Marx considère que ce manifeste constitue « la première charte de classe d’un mouvement ouvrier français en voie de devenir adulte ».
La voie paraît ouverte à la construction de formes politiques assurant l’expression de la classe ouvrière. La répression sanglante de la Commune de Paris, six années plus tard, va liquider ou éloigner les avant-gardes politiques capables de réaliser les conditions de l’autonomie ouvrière. Mais cela va se faire.
Nous verrons cela dans notre prochain papier (à lire en cliquant ici : Partis réformistes/Partis révolutionnaires)
A.N.
Notes
[1] Sur ces questions on peut lire un texte publié dans le n° 109 des Cahiers de l’Institut CGT d’histoire sociale : « 1848 : la République, la bourgeoisie, la Révolution ». Ce texte est accessible sur la site de l’IHS-CGT (http://ww.ihs.cgt.fr), Rubrique « Publications » puis « Les Cahiers de l’IHS-CGT ».
[2] Henri Tolain dirigera en 1865 le premier bureau parisien de l’AIT.
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