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Repos dominical mis en cause
jeudi 23 février 2012, par
Le conseil municipal a été appelé à voter "une demande de création d’un périmètre d’usage de consommation exceptionnel" (PUCE). Cette proposition, présentée par le maire, vise à permettre au centre commercial du "Millénaire" d’obtenir une autorisation préfectorale d’ouverture le dimanche pour une durée de 5 ans.
Avec ce vote, le maire tente d’ouvrir une brèche dangereuse. Sans mener de réel débat sur une question de société, et malgré la décision du tribunal suspendant l’ouverture du dimanche, le maire tente de nouveau un passage en force lors du conseil municipal du 16 février. Le groupe communiste et citoyen a affirmé son opposition à l’ouverture dominicale par la voix de Patricia Latour, (conseillère municipale), dont nous relatons l’intervention.
Monsieur le Maire, chers collègues,
Cette délibération nous propose de saisir le Préfet pour lui demander la création d’un périmètre d’usage de consommation exceptionnel ou PUCE, pour affirmez-vous « dynamiser le Millénaire ». Si je ne craignais de faire un mauvais jeu de mots, je vous demanderai bien « Quelle mouche vous pique ? ». À défaut de puce.
Vous vous appuyez pour cette demande sur une loi du gouvernement Fillon de 2009 dite « Loi Maillé » qui vise à casser le code du travail et les acquis sociaux en autorisant les enseignes commerciales à ouvrir le dimanche, soit parce qu’elles sont situées en zones touristiques, soit dans le cadre d’un PUCE.
A l’époque, cette loi a suscité de grands débats. Condamnée presque unanimement par les syndicats, elle a même amené des responsables politiques de droite à défendre le repos dominical, fondement d’une vie familiale harmonieuse. Sans aller jusque là, nous sommes quelques-uns à penser que le repos dominical est un repère collectif dans la société et que le travail du dimanche doit rester exceptionnel.
D’autant que toutes les études faites ne démontrent pas du tout que le travail dominical ait permis de « dynamiser » quoi que ce soit.
Une étude du Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) constate que plus de la moitié des personnes qui fréquentent les magasins le dimanche n’achètent rien. Et que pour celles qui achètent, il ne s’agit pas d’une consommation supplémentaire. Ce qui peut se comprendre. Nos portes-monnaies ne sont pas plus remplis le dimanche que les autres jours de la semaine.
On connaît aussi les difficultés des salariés du commerce : travail partiel non choisi, amplitudes horaires qui contrarient une vie personnelle normale, conditions de travail dégradées, salaires de misère. On en rajouterait en autorisant l’ouverture du dimanche, forçant ainsi les salariés à travailler au lieu de profiter de leur vie de famille, de leur vie sociale.
Bien entendu, dans le PUCE, il est précisé qu’un employeur ne pourra licencier un salarié refusant de travailler le dimanche ou refuser une embauche. Mais nous savons tous que dans la réalité, les choses ne se passent pas de cette manière. La plupart du temps, les salariés ne peuvent pas refuser. Le comité parlementaire qui a étudié les effets de la loi de 2009 relevait que dans 80% des cas, la décision d’ouverture était prise unilatéralement par les employeurs, sans aucune négociation avec les salariés et les syndicats et que le volontariat des salariés ne semblait pas garanti.
Dans Le Parisien du 11 janvier dernier, vous déclarez M. le Maire, vous martelez même suggère le journaliste et je cite : « Je comprends la position des syndicats, mais à toute règle, il y a des exceptions et c’en est une. Il en va de l’avenir du Millénaire. Si on supprime les dimanches, les grandes enseignes s’en sortiront, mais les petites risquent de disparaître. »
Faisons bien attention. Si nous faisons cette demande de PUCE au préfet, c’est l’exception qui risque bien de devenir la règle, comme c’est trop souvent le cas. Le journal Les Échos du 26 janvier précisait déjà les intentions du gouvernement et de la majorité présidentielle d’étendre l’ouverture des commerces le dimanche. Ils envisageraient maintenant de s’attaquer aux dérogations des cinq dimanches dont disposent les maires pour les faire passer à 10 ou plus. Et pourquoi pas 52 tant qu’on y est !
Quant à votre second argument, il semble bien contredit lui-aussi par la réalité. La même étude du Crédoc indique que l’ouverture du dimanche favorise un transfert de la clientèle vers les grandes surfaces sans aboutir à une augmentation significative de la consommation. Ce sont les petits commerces et les commerces de proximité qui paieront l’addition. De plus, l’impact sur l’emploi semble plus que marginal, les prévisions allant de 8 000 emplois créés à 21 600 perdus !
On ne peut retenir comme référence, la fréquentation du centre commercial à la veille des fêtes de fin d’année qui n’est en rien révélatrice de la consommation en temps normal.
Le pouvoir d’achat est en baisse dans notre département comme pour la plupart des familles de notre pays. Avec des salaires et des pensions qui régressent, avec des charges en augmentation, la consommation est en berne. Que le centre commercial ouvre ou non le dimanche, cela ne changera rien au fond. Quand les gens n’ont pas d’argent, ils ne consomment pas.
On peut d’ailleurs se demander si le Millénaire est vraiment adapté à la population de la commune et de ses voisines séquano-dyonisiennes. Il est symptomatique que ce centre commercial soit géographiquement tourné vers Paris et pas vers la banlieue. Ouverture du dimanche ou pas, les enseignes trouveront-elles leur clientèle ? Et ce ne sont pas les salariés du Millénaire, avec leurs niveaux de rémunération, qui deviendront de potentiels clients !
Qui plus est un PUCE à Aubervilliers constituerait un cheval de Troie dans la région Île-de-France. Il pourrait, si je peux me permettre, bien mettre la puce à l’oreille d’autres enseignes commerciales de la région, les incitant à demander la même chose. Le risque de banalisation du travail le dimanche est ainsi bien réel.
Une intersyndicale a engagé un recours auprès du Tribunal administratif pour obtenir l’annulation de l’ouverture exceptionnelle du Millénaire le dimanche, autorisation accordée par le préfet de Seine-Saint-Denis hors la loi de 2009. Les syndicats ont gagné car cette autorisation ne reposait sur aucune logique sérieuse.
Les syndicalistes européens sont confrontés aux mêmes déréglementations dans de nombreux pays de l’Union européenne. Force est de constater que l’attaque mise en œuvre en France s’inscrit dans la cohérence du projet du patronat européen du Commerce visant une déréglementation à l’échelle du continent. Les organisations syndicales européennes du Commerce ont d’ailleurs décidé d’une initiative forte le 4 mars prochain.
Pour des raisons éthiques, pour des raisons politiques aussi, parce que nous sommes pour la défense du commerce, des salariés et de leurs droits, nous ne pouvons pas voter en faveur d’un PUCE à Aubervilliers. L’ouverture du Millénaire le dimanche non seulement ne redressera pas la situation économique des commerces, mais contribuera à précariser encore plus la situation des salariés sans répondre aux besoins de la population d’Aubervilliers.
Les élus du groupe communiste et citoyen voteront donc contre cette délibération.
NdMT : Cette question sera adoptée majoritairement sans que le maire réussisse à faire l’unanimité dans sa propre majorité.
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