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Après l’agression d’une enseignante au collège Jean Moulin
jeudi 20 mai 2010, par
Le parisien du mercredi 12 mai s’est fait l’écho de l’intrusion d’individus extérieurs à l’établissement dont l’un a violemment menacé une enseignante enceinte dans sa classe, pendant que son compère s’en prenait aux personnels administratifs et de direction du collège. L’enseignante, très choquée, et en arrêt de travail, relate la scène avec justesse dans un courrier adressé à ses collègues. Elle a accepté qu’il soit publié sur le site "Rue 89". L’article de l’Humanité du 17 mai, sous le titre "Jean Moulin veut des moyens, pas des barreaux", montre les limites des aménagements techniques, quand les moyens humains font défaut.
Ces éléments posent aussi la question du soutien apporté à l’enseignante, qui se résume en grande partie au soutien des collègues proches. Eux-mêmes malmenés, Ils constatent les limites et souvent l’inefficacité des politiques publiques mises en œuvre par rapport à ce type de situation.
Résumons brièvement ce qui s’est produit depuis une semaine.
1. L’inspection d’Académie dépêche sur place sa nouvelle équipe mobile de sécurité : cinq agents, bardés d’un blouson vert avec l’inscription EMS dans le dos et le logo de l’Académie de Créteil devant, qui se déplacent d’un collège à l’autre, en fonction des demandes des principaux. Cette équipe intervient après l’incident, dans le meilleur des cas rassure, ce qui a été le cas à Jean Moulin, mais ne peut effectuer un travail de fond par manque de connaissance du public local. Et le représentant de l’Inspecteur d’Académie admet lui-même les limites du dispositif qui sur la durée pourrait finir par servir d’exutoire aux fauteurs de troubles.
Une forme nouvelle d’intervention de la puissance publique : la prévention s’effectue désormais après l’incident !
2. Le maire propose une réunion avec plusieurs personnalités, dont on sait ce qu’elle peut donner, faute d’absence de politique claire et lisible sur ces questions difficiles. Le Conseil municipal extra-ordinaire de novembre sur la sécurité précisément, avec son amoncèlement de délibérations en est l’illustration.
Ce jour, l’établissement continue à fonctionner, avec son lot d’incidents quotidiens plus ou moins graves, en assurant avec plus ou moins d’efficacité ses missions d’enseignement, mais toujours avec cette tension permanente qui éclate périodiquement. Finalement, les acteurs de terrains ne peuvent que constater une politique d’annonce, avec un caractère opérationnel limité en cas de difficulté et sans moyens sur le long terme.
Et, mercredi 19 mai, c’est une autre usine à gaz qui a été actionnée par la déclinaison locale du protocole départemental signé en septembre 2009 à l’initiative du Président du Conseil général, avec le Préfet et l’Inspecteur d’Académie. Ce protocole qui visait, in fine, à créer une énième cellule, avait surtout attiré l’attention par le buffet qui y a été servi. Ironie des circonstances, c’est au collège Jean Moulin que le raout avait été organisé !
Les petits fours accouchent d’une souris !
La réunion s’est tenue. Le représentant du maire y a longuement exprimé toute l’attention que monsieur le maire apportait à la situation. Les adjoints ont développé les différentes mesures municipales mises en œuvre en direction de l’enseignement et de la jeunesse. Le commissaire a expliqué l’action de la police dans l’arrestation des agresseurs de l’enseignante, chacun y a tenu son rôle dans son registre. Le vice-président du conseil général souhaitait sortir de cette réunion avec quelques engagements concrets, comme d’ailleurs les représentants de la communauté éducative du collège qui travaille au quotidien sur les lieux.
L’entrefilet paru le 20 mai dans le parisien annonce que la sécurisation du collège devrait être améliorée par la pose de caméras aux abords de l’établissement. Cette décision devrait faire l’objet d’une annonce (sic). L’article apparait quelque peu réducteur au regard des échanges qui se sont tenus. Mais il n’en témoigne pas moins de la limite de ceux-ci et repose le problème de l’efficacité des moyens techniques mis en œuvre s’ils ne reposent pas sur des moyens humains.
Police-justice-éducation nationale, c’est dépassé. Mais on ne change pas une formule qui perd !
Le fameux protocole signé entre ces trois institutions dans les années 90 et qui organisait un système de signalements, de comparutions immédiates... et dont les détracteurs dénonçaient l’absence de volet éducatif a clairement montré ses limites. Pour autant, les politiques actuelles n’en tirent aucune leçon. Et force est de constater la reproduction de la même faiblesse dans les dispositifs actuellement mis en œuvre.
Là où la communauté scolaire attendait un renforcement des équipes d’éducateurs aux abords du collège, c’est la vidéo-surveillance qui est proposée. Pourtant, ces équipes sont les mieux à même de contribuer à donner un cadre et des repères à des familles en difficulté par rapport aux agissements de certains de leurs enfants.
Là où les personnels du collège attendaient un plus en matière de moyens d’enseignements, de surveillants, de personnels d’entretien, c’est plus de réunions pour coordonner l’existant qu’il faut organiser.
Enfin, là où nombre d’usagers attendaient une politique de construction d’équipements scolaires en adéquation avec les besoins, c’est à un cafouillage auquel on assiste autour de l’indispensable construction d’un sixième collège. D’un côté, la municipalité s’inscrit dans le registre de la démagogie en évoquant un septième collège sans proposer de terrain pour le sixième, de l’autre le conseil général se limite à un projet de collège intercommunal avec la Courneuve.
Ces trois éléments sont symptomatiques des contradictions qui ne peuvent que conduire à des tensions et des incidents, tant la parole des acteurs de terrain et des usagers est peu reconnue.
Eric Plée
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