69e anniversaire de la Libération de Paris et de la région parisienne

lundi 26 août 2013

Le dimanche 25 août s’est déroulée en mairie la traditionnelle cérémonie commémorative de la Libération que le maire avait décidé de placer en lien avec la répression subie par la population du village de Vallerotonda dont sa famille est originaire.
Pascal Beaudet avait envisagé de dire quelques mots d’histoire sur la Libération de Paris, mais ses propos n’entrant pas dans la thématique commémorative prévue, la parole ne lui fut pas donnée.
Nous publions ci-après le texte non prononcé de Pascal Beaudet.

Une année avant que ne soit célébré le 70e anniversaire de la Libération de Paris, nous voici manifestement entrés dans une période où vont se produire des lectures sans doute renouvelées de l’évènement. Des sources nouvelles sont, en effet, disponibles : on vient ainsi de retrouver les comptes-rendus des actions conduites par les Francs-Tireurs et Partisans (les FTP), on me dit que c’est un fond d’archives impressionnant, et la famille de Louis Saillant, qui fut le troisième président du Conseil National de la Résistance (CNR), vient de déposer au centre d’histoire sociale du XXe siècle les archives du Conseil. Il s’agit là d’un évènement très important qui permettra de mieux connaître quels furent les débats qui traversèrent le conseil dans les conditions très compliquées de la clandestinité.

J’évoque le CNR parce qu’il fut le lieu où furent définis les principes de la nécessaire insurrection. On a reparlé ces dernières années du CNR et plus particulièrement de son programme en évoquant la deuxième partie de celui-ci qui traite des « mesures à appliquer dès la libération du territoire » et formule des propositions économiques et sociales. On n’a guère parlé de la première partie qui s’intitule « plan d’action immédiate », autrement dit qui donne l’orientation insurrectionnelle qui doit accompagner la libération.

Ce texte semble appartenir au passé, dès lors que l’histoire en a validé la pertinence et l’on ignore le fait que dans la discussion sur le programme ce fut cette partie qui fut la plus difficile à rédiger.

On l’a un peu oublié, mais les controverses sur les stratégies de lutte étaient particulièrement vives dans la période. D’aucuns considéraient que les forces résistantes ne devaient se comporter, une fois le débarquement réalisé, que comme les auxiliaires des armées alliées. D’autres affirmaient la nécessité d’une action immédiate, le développement de la guerre de guérilla, la mise en mouvement de tout le peuple de manière multiforme afin que se réalise la libération du territoire.

Le développement de l’insurrection nationale ne pouvait, disaient-ils, dépendre du seul rythme des opérations alliées mais devait prendre appui sur les contextes existant dans chaque partie du territoire.

Le processus insurrectionnel ainsi conçu ne pouvait être que progressif et inégal et devait mobiliser les masses armées et non armées en prenant appui sur une organisation ayant une structure militaire de masse, les « milices patriotiques ».

Sous cette conception, le pilotage local de l’action était déterminant et ne pouvait dépendre du dispositif centralisé imaginé par le Comité français de libération nationale qui avait confié au général Koenig, basé à Londres, le soin de piloter les opérations. Pour ce faire le CNR avait mis en place une structure militaire (le Comité d’action - COMAC) qui allait jouer un grand rôle dans la direction militaire de l’insurrection parisienne en rejetant les consignes attentistes du général Koenig.

Je ne puis, dans cette courte intervention, évoquer la manière dont l’insurrection parisienne fut construite. Le processus fut complexe mobilisant de très nombreuses forme de lutte, manifestations, grèves puis grève insurrectionnelle, actions armées multiformes jusqu’au déploiement d’un vaste réseau de barricades servant d’appui à l’insurrection de rue.

Ceci dit, il faut rappeler que le débat qui avait traversé le CNR lors de la discussion du programme dans sa partie insurrectionnelle reprit. Le 7 août le chef régional des FFI, Rol-Tanguy, soulignait la proximité d’évènements décisifs : « L’offensive des alliés se développe avec rapidité en Bretagne, et déjà ses pointes se tournent en direction du Bassin parisien (…) Pour la région parisienne, rien de sérieux n’indique que l’ennemi y est décidé à une résistance à outrance. Mais cette situation peut se renverser avec le reflux des troupes allemandes dans le Bassin parisien, et le transformer en zone de combats meurtriers (…). L’offensive alliée, la situation précaire de la Wehrmacht, les récents évènements [il s’agit des grandes manifestations populaires protégées par des éléments armés] qui ont présidé au 14 juillet 1944, indiquent que nous sommes à la veille de l’insurrection dans notre région. »

Les dirigeants militaires de la Résistance savaient que le premier souci de Von Choltitz était d’assurer le repli des débris des divisions battues en Normandie par les ponts de Paris. Cette mission remplie, il pourrait se livrer à la répression contre la population parisienne ainsi qu’Hitler lui en avait donné l’ordre.

C’était donc à la « charnière » de ces deux missions que devait frapper l’insurrection.

C’est ce qui fut fait et plaça Von Choltitz, commandant de la garnison allemande de Paris, dans une situation telle qu’il s’engagea dans des pourparlers visant à bloquer l’insurrection afin de gagner du temps pour assurer le passage des troupes nazies en retraite.

Je ne puis développer ce point qui est connu comme l’affaire dite de « la trêve » mais j’en dirai cependant quelques mots.

Sous l’égide du consul général de Suède, Nordling, des négociations s’étaient engagées entre le général allemand, des hommes de Vichy et les responsables de la délégation gaulliste, Jacques Chaban-Delmas et Alexandre Parodi. Le CNR eut à connaître de l’affaire. Il se réunit de manière incomplète (ni le PC, ni la CGT n’étaient présents) le 20 août au matin et accepta la trêve. Une deuxième réunion, complète cette fois, fut convoquée dans l’après midi : la trêve n’y fut pas ratifiée et la décision à son propos remise au lendemain.

Le commandement des FFI et le COMAC constatant que la trêve avait été négociée sans qu’ils aient été consultés appelèrent en conséquence à poursuivre l’insurrection.

Malgré cela on aperçut quelques voitures parcourent la ville annonçant qu’un cessez-feu avait été conclu entre Von Choltitz et le CNR !

Le 21, dans une réunion décisive, le CNR rejeta la trêve par huit voix contre sept. L’insurrection allait se poursuivre jusqu’à la victoire.

On ajoutera que le Général De Gaulle ignorait tout de ces négociations et que la trêve, ainsi qu’il l’écrit dans ses Mémoires, lui fit « une désagréable impression ». [1]

En tout cas s’ouvrit le 21 août la perspective d’une bataille de grande ampleur qui, combinant la lutte du peuple avec celle de la 2e division blindée, aboutit à la libération de Paris et de sa banlieue.

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Patrick Le Hyaric et Suzanne Bonetto ont déposé la gerbe des communistes en hommage aux combattants tombés lors des combats de la Libération.

Notes

[1Mémoires de guerre, L’unité, 1942-1944, Plon, 1999, p. 573.

1 Message

  • Continuez Le 29 août 2013 à 09:21, par Tanguy

    Je lis avec grand intérêt le discours non prononcé de Pascal Beaudet. Je savais que la Résistance n’avait pas été une affaire de bisounours et ne m’étonne donc pas qu’il en ait été de même au cours des luttes d’août à Paris.

    Je pense que même si la "trève" avait été conclue, l’insurrection se serait poursuivie.

    Les FTP de Fabien et la direction militaire de l’insurrection (COMAC, état-major des FFI, autrement dit Rol) n’auraient pas laché.

    Mais ça aurait eu lieu dans une situation plus compliquée.

    Heureusement que la mobilisation du peuple, lorsqu’elle est massive, est irrésistible.

    Merci en tout cas pour ce texte très intéressant.

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