Reconstruction du collège Jean Moulin à Aubervilliers
Il faut sauver le crayon de Jean Moulin
jeudi 29 mars 2012
Le collège Jean Moulin sera reconstruit et les travaux débuteront cet été. Mais quelle n’a pas été la surprise des enseignants qui se sont rendus au conseil général le 15 mars dernier de voir à quel point l’œuvre dite du 1% qui faisait l’image du collège avait été malmenée. Ce crayon monumental écrivant ces quelques vers d’Eluard sur la façade de l’établissement comme sur une page d’écolier "J’écris ton nom liberté" apparaît dans le nouveau projet comme un pieux planté verticalement au milieu de la cour.
Comme si l’architecte était passé dans l’établissement au pas de charge sans rencontrer les principaux intéressés. Comme si, repérant ce crayon, il s’était contenté d’en faire un rapide copié-collé sur l’esquisse soumise au concours d’architecture. Cela a d’ailleurs été vraisemblablement le cas puisque le groupe du BTP qui a eu le bonheur de se voir attribuer huit collèges a sans doute mis la pression sur ses techniciens pour qu’ils fassent charrette en faisant une étude présentable aux décideurs politiques.
Les PPP, plus qu’un taille-crayon
Jacques Tissinnier avait conçu l’œuvre en 1973, lors de la construction du collège. Elle avait été très vite adoptée par les collégiens, les enseignants et les passants qui en ont fait l’image de l’établissement. Elle avait même été exposée à la fin des années soixante-dix sur le parvis de Beaubourg. Une toile en vinyle, représentant la page de classeur sur laquelle le crayon écrivait les vers d’Eluard avait été tendue pour restituer l’œuvre dans sa globalité. Le créateur que nous avons joint au téléphone souligne d’ailleurs la force que prenait son oeuvre en étant visible de plusieurs points de vue puisqu’elle était positionnée en bas du parvis incliné qui donne sur le centre Pompidou.
Depuis, le temps a fait son œuvre : les couleurs du crayon ont pâli, les vers d’Eluard sont à peine lisibles, la végétation et les grilles relèguent à l’arrière plan une œuvre qui aurait dû être restaurée il y a vingt ans. La reconstruction du collège était une chance pour redonner vie à cette création et transmettre aux générations futures la valeur patrimoniale qu’incarne ce crayon. Le parti pris par le conseil général d’une reconstruction an PPP qui associe quatre collèges dans un même lot, l’utilisation d’équipes d’architectes qui dépendent directement du groupe attributaire du contrat de partenariat, conduisent à la réalisation de projets à la chaîne, sans concertation avec les usagers et au mépris de la propriété artistique des créateurs. Il y a avait d’ailleurs une étonnante similitude de conception entre les douze esquisses de collège présentées au conseil général.
L’artiste découvre le massacre de son projet dans "le Parisien"
C’est en lisant le Parisien du 16 mars 2012 que Jacques Tissinnier découvre l’esquisse du collège. Le Président du Conseil Général avait pourtant rendu visite à l’artiste un an et demi plus tôt dans son atelier à Bagnolet et même évoqué une restauration de l’œuvre. Mais ensuite, personne n’a jugé utile de lui demander son avis sur le devenir de l’œuvre, au mépris de son droit à la propriété artistique, et accessoirement du sens que prendrait un crayon érigé verticalement au centre de l’établissement.
Et dire qu’on bassine les enseignants avec une nouvelle épreuve d’histoire des arts au collège. Et si les institutionnels, et d’abord le conseil général commençaient par donner l’exemple ?
Eric Plée
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