Lectures de vacances (3) : bibliographie sur mai 68

mardi 22 juillet 2008

Beaucoup de camarades disent : « Ce quarantième anniversaire de Mai 1968 est un tourbillon. Livres, brochures, numéros spéciaux de revues, romans, films, émissions de télévision s’accumulent Comment s’y retrouver, sortir des clichés indéfiniment répétés ? ». Nous voici en effet confrontés à un quarantième très rugissant, puisque aux dernières (et provisoires) nouvelles on recenserait 340 initiatives éditoriales !

Il est apparu utile de proposer à tous ceux pour qui Mai 1968 représente une période de notre histoire importante de proposer une sélection des études, analyses et réflexions produites ces quarante dernières années.

Cette sélection provient, pour une large part d’un travail d’inventaire réalisé par André Narritsens (historien du mouvement ouvrier et militant de la section d’Aubervilliers du PCF) et de René Mouriaux, (politologue, spécialiste du mouvement syndical).

Ne sont présentés ici que les livres en français (écrits ou traduits) dont la valeur scientifique nous apparaît réelle. Sont donc écartés les témoignages, les écrits journalistiques, les essais propagandistes mais aussi les romans et les films. Nous suivons l’ordre chronologique de parution.

- Dubois (Pierre) et al., Grèves revendicatives ou grèves politiques ? Acteurs, pratiques, sens du mouvement de mai, Paris, Anthropos, 1971, 550 p.

Le mouvement social a impliqué des ouvriers, des techniciens, des cadres. D’où la diversité des revendications, des formes de mobilisation. Les organisations syndicales ont parfois été perplexes devant l’évènement, voire réticentes au retour de l’action directe. Evidemment revendicatif (salaires, temps de travail, emploi), le soulèvement de Mai 1968 comporte une dimension politique qui n’est pas unifiée puisque les luttes salariales et la Commune étudiante ne se sont vraiment rejointes que le 13 mai. Le travail des cinq sociologues repose sur plusieurs centaines d’interviews. Il est très attentif à la pluralité des expériences et à l’entrelacement de tendances diverses (parfois contraires).

- Demonet (Michel) et al, Des tracts en mai 68, Paris, FNSP-Colin, 1975, 489 p.

- Alain Scharpp et Pierre Vidal-Naquet avaient recueilli les tracts de la Sorbonne (Seuil, 1969) et des monographies de grèves avaient été réalisées. Des tracts en mai 68 introduit une rigueur dans le traitement du discours soixante-huitard à la fois novateur et fécond.

- Notons que Maurice Tournier vient pour le quarantième anniversaire de l’événement, de condenser ce travail sous forme dictionnairique, Les mots de Mai, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008, 125 p.

- Tilly (Charles), La France conteste, de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986, 622 p.

Nous signalons le travail de l’historien américain en raison de l’influence qu’il a exercée (notamment avec sa notion de « répertoire d’action ») et de l’impulsion qu’il a donnée aux recherches sur les manifestations. Mai 68 est mis en perspective sur la longue durée.

-  Dobry (Michel), Sociologie des crises politiques, Paris, Presses FNSP, 1986, 319 p.

L’ouvrage, inscrit dans la problématique de Pierre Bourdieu, traite Mai 1968 dans le sillage de 1934, 1947, 1958. S’il ignore trop l’économie, il éclaire la dynamique des crises et stimule l’analyse par des catégories pertinentes comme « la plasticité des systèmes complexes », « les conjonctures fluides », « l’interdépendance tactique élargie », « la régression vers les habitus ».

- Capdevielle (Jacques), Mouriaux (René), Mai 68. L’entre-deux de la modernité. Histoire de trente ans, Paris, Presses FNSP, 1988, 317 p.

L’ouvrage établit Mai 1968 comme évènement singulier et intermédiaire enraciné dans un avant et un après. La thèse de la « génération spontanée » est contredite par les contradictions sociales, économiques et politiques installées au cours des « trente glorieuses ». L’avant mai est longuement présenté sous deux chapitres intitulés La fin de la croissance heureuse et Une vie politique bloquée. Au cours des années soixante se mettent en place rapports de forces et continuités politiques qui seront confrontés aux dynamiques réelles et possibles de Mai. Un exposé serré des événements est présenté et une étude des interprétations réalisée. L’après Mai, saisi dans la longue durée, fait l’objet d’une lecture appuyée sur les ébranlements intervenus à la fin de la décennie 1980. Une bibliographie sélective ajoute aux qualités générales de l’ouvrage, qui vingt années après sa publication conserve une grande pertinence.

- Mouriaux (René), Percheron (Annick), Prost (Antoine), Tartakowsky (Danielle), 1968. Exploration du Mai français, Paris, L’Harmattan, Collection Logiques sociales, 1992, t. 1, Terrains, 324 p. ; t. 2, Acteurs, 270 p.

L’ouvrage est formé par les actes d’un Colloque organisé en novembre 1988 sous l’intitulé « Acteurs et terrains du mouvement social de mai-juin 1968 ». Rompant avec un usage souvent trop évènementiel ou idéologique de Mai, le premier volume, après avoir accordé attention au contexte international dans lequel Mai se situe, se tourne du côté de quelques usines pour y appréhender les grèves qui s’y sont déroulées. Des éléments sont également apportés sur les mouvements qui se produisent en province. Le second volume s’intéresse aux acteurs syndicaux et politiques tels qu’ils se comportèrent en mai-juin 1968 à partir de leurs identités et orientations stratégiques.

Il résulte de l’ouvrage un déplacement d’axe dans le regard porté sur Mai 1968, qui pose les jalons d’une histoire complète qui reste à écrire.

- Baeque (Antoine de) et al., Les années 68. Le temps de la contestation, Bruxelles, Edition Complexe, 2000, 525 p.

A l’initiative de l’Institut du temps présent, trente-huit contributions scrutent la dimension internationale de Mai 68, ses facettes ouvrières et étudiantes et la question de l’Etat. La diversité des approches est moins interrogée que la pluralité des mouvements sociaux.

- Ross (Kristin), Mai 68 et ses vies ultérieures, Bruxelles, Edition Complexe, 2005, 251 p.

Le spécialiste américain de la littérature française part des entreprises de dévitalisation de Mai 68 aux formes multiples, depuis les plus grossières (la vision policière) jusqu’aux plus subtiles (culturelles) pour rendre sa vigueur à l’évènement qui a trouvé son prolongement dans le mouvement de 1995.

- Artières (Philippe), Zancarini-Fournel (Michelle) dir., 68, une histoire collective (1962-1981), Paris, La Découverte, 2008, 847 p.

Un rassemblement de contributions souvent originales selon quatre séquences : 1962-1968, Le champ des possibles ; 1968, L’épicentre de Mai-Juin ; 1968-1974, Changer le monde et changer la vie ; 1974-1981, Le début de la fin. En dépit des apports incontestables et d’un rééquilibrage entre grève ouvrière et Commune étudiante, l’ouvrage reste un peu court sur la dynamique de la cessation collective du travail. Le recentrage de la CFDT n’occupe pas la place qu’il réclamerait. On regrettera une érudition qui tourne le plus souvent à vide. Excellente iconographie.

- Artous (Antoine), Epesztajn (Didier), Silberstein (Patrick) dir., La France des années 1968, Paris, Syllepse, 2008, 901 p.

Sous forme dictionnairique, l’ouvrage présente les différentes facettes de Mai 68. Un article de Jacques Kergoat, publié en 1978, est reproduit, ce qui permet de percevoir l’évolution des approches de Mai 68 mais aussi la pertinence de bien des vues (critiques de Serge Mallet et Alain Touraine). Les préoccupations trotskystes jugées par certains trop présentes, pour masquer leur opposition à une lecture de gauche de Mai 68, n’empêchent pas que la validité des entrées, le pluralisme des auteurs et l’objectivité des bibliographies font de ce travail un instrument très utile.

- Audier (Serge), La pensée anti-68, Paris, La Découverte, 2008, 380 p.

L’ouvrage met en évidence les procédures intellectuelles diversifiées (révolution conservatrice, libéralo-libertarisme, néo-républicanisme) par lesquelles 1968 a été attaqué et une restauration idéologique réussie. Deux limites : le marxisme, trop réduit au courant orthodoxe, est sous-estimé dans sa théorie de l’exploitation qui est l’enjeu central et, deuxième faiblesse, le travail laisse trop dans l’ombre le contexte économique et politique (la mise à mort de Lip, le recentrage, la culture de gouvernement). Il manque bibliographie et index.

-  Damamme (Dominique), Gobille (Boris), Matonti (Frédérique), Pudal (Bernard) dir., Mai-Juin 1968, Paris, Editions de l’Atelier, 2008, 448 p.

D’inspiration bourdieusienne, l’ouvrage entend redonner son « tranchant » à l’évènement. La richesse de l’apport n’évite pas un certain éclatement des points de vue et une négligence à l’égard des enjeux économiques.

- Gobille (Boris), Mai 68, Paris, La Découverte, 2008, 120 p.

Dans un format facilitant la lecture, l’ouvrage fournit une excellente présentation de Mai 1968. Il est dommage que l’auteur occulte les mobilisations ouvrières depuis l’accord CGT-CFDT du 10 janvier 1966 et passe trop vite sur les participations des femmes, des techniciens et cadres.

- La grève générale de mai 68, triple numéro de l’organe officiel de la CGT (Le Peuple), publié fin juin 1968, vient d’être réédité. Il peut être commandé auprès du Peuple, 263, rue de Paris, 93 514 Montreuil, au prix de 10€ + 2,20€ de frais de port.

- Les cahiers de l’Institut d’histoire sociale de la CGT publient un n° spécial intitulé Mai 68 : la CGT. Il peut être commandé à IHS-CGT, 263, rue de Paris, 93 514 – Montreuil au prix de 10€.

1 Message

Répondre à cet article