Le métro à Aubervilliers : 25 ans de luttes
vendredi 27 mai 2022
En 1997 Jack Ralite, maire d’Aubervilliers, décide de frapper un grand coup. Le samedi 11 octobre à 11 heures, une station de métro fictive est inaugurée.
Une ville de cette taille est à l’époque la seule à ne pas avoir le métro dans son centre-ville. Pour quelles raisons ? Personne n’a vraiment la réponse, mais une grande ville populaire du nord de Paris méritait-elle ce sort là ?
Dans Aubermensuel, Jean-Claude Gayssot, ministre communiste des transports, interwievé pour l’occasion, reconnait qu’ « Aubervilliers a de bons arguments » et déclare qu’il s’agit bien d’une injustice, en souhaitant que les investissements du 12 ème plan 2000-2003 soient essentiellement axés sur les banlieues.
Dès ce moment, il est clair que sans la mobilisation des habitants, rien n’aurait pu se faire. A Aubervilliers, on n’a jamais rien obtenu sans luttes (piscine,lycées...)
En juin 1999, 18 mois après cette inauguration, une association se crée prenant le nom de Metr’Auber.
Tout de suite, une pétition est lancée qui recueille en 3 mois 1100 signatures.
Jean-Claude Gayssot, comprenant le message, reçoit une délégation d’habitants dès le 7 septembre.
Mais l’association ne souhaite pas s’arrêter là car ses membres, déjà habitués au militantisme, savent que ce n’est pas dans les salons que l’on obtient satisfaction. Ils décident en Octobre 1999 d’organiser deux initiatives :
« creuser » symboliquement l’actuelleplace du Front Populaire, Proudhon-Gardinoux, en présence d’élus.
faire une chaine humaine où 150 personnes sont présentes (dont Muguette Jacquaint, députée communiste).
La pétition recueille déjà à l’époque 2800 signataires, au delà des seuls habitants de la ville, le monde économique et les salariés sont également mobilisés.
Certains membres de Metr’Aubers’adressent aux salariés et aux commerçants dans les quartiers.
Enfin, arrive le contrat de plan Etat-Région 2000-2006 : le métro est prolongé jusqu’au pont de Stains, mais rien n’est encore prévue à la mairie. La RATP prévoit à ce moment-là des travaux en 2003 pour mise en service en 2006 / 2007 des stations Front Populaire et Pont de Stains.
Le 20 septembre de la même année, une réunion publique a lieu avec la RATP pour exposer le schéma proposé par les conseils d’administration de la RATP et du STIF (syndicat des transports d’Ile-de-France, dépendant de la Région).
Premier accroc : la station Pont de Stains est reportée au contrat de plan Etat-Région 2006-2013 ! De ce fait, une réunion est convoquée en urgence à la mairie le 12 février 2002 avec Jean-Claude Gayssot pour que la Région maintienne ses engagements. Deux jours après, est officialisé le prolongement de la ligne 12 de la façon suivante : on n’ouvre pas la station Pont de Stains mais on creuse le tunnel
jusqu’à la Mairie, ce qui laisse l’espoir aux habitants et aux élus de penser que, si on creuse le tunnel jusqu’à la mairie,un jour la station ouvrira, ce qui permet au journal
Le Parisien de titrer le 13 mars suivant : « La ligne 12 sera prolongée jusqu’à la
mairie en 2011. »
Une autre enquête publique se déroule du 10 juin au 10 juillet de la même année concernant l’ouverture de Front Populaire en 2007 et des stations Mairie et Pont de Stains en 2011. Mais il manque toujours 690 millions !
D’où un nouveau recul : Front Populaire et Pont de Stains ne seront ouvert qu’en 2009, la RATP continuant d’invoquer des problèmes de budget. Il est vrai qu’en 2002, le retour de la droite et le départ de Jean-Claude Gayssot du gouvernement n’ont pas
favorisé le projet.
Aussi, le nouveau maire d’Aubervilliers Pascal Beaudet décide de jouer le tout pour le tout : Le 8 avril 2005, suite à une réunion publique tenue en mairie le 29 mars, Pascal Beaudet et 150 habitants d’Aubervilliers investissent le conseil d’administration du STIF.
Cette initiative va sauver le projet
Le conseil d’administration du STIF réintègre la prolongation de la ligne 12 à son ordre du jour, avec l’engagement cette fois ci d’ouvrir la station Front Populaire en 2010. Mais comme il faut tenir en même temps la lutte et la négociation, une manifestation est organisée à la station Front Populaire le 25 juin 2005, à l’initiative des élus communistes de Plaine Commune.
Car encore une fois, les promesses ne sont pas tenues. En 2007, on apprend que l’ouverture de la station est décalée en 2012. A chaque fois, Aubervilliers perd deux ans.
Le 25 juin 2008, malgré tout, la première pierre de la future station Front Populaire est posée.
Les années passent. Le 20 décembre 2011, la RATP annonce l’ouverture des stations Pont de Stains et Mairie d’Aubervilliers pour la fin 2017.
Mais en octobre 2014, nouveau mauvais coup : la RATP annonce que l’ouverture de ces deux stations est reportée à 2019, invoquant cette fois des problèmes de détournement des réseaux ! (gaz, eau, électricité,...)
POURQUOI AVOIR ATTENDU FIN 2014 POUR ANNONCER UN PROBLÈME DE RÉSEAUX QUI ÉTAIT DÉCELÉ DEPUIS PLUSIEURS MOIS ?
Le Maire, Pascal Beaudet, organise une manifestation le 14 novembre 2014 à la station de métro Front Populaire ouverte depuis décembre 2012. En décembre 2014, le siège de la RATP est occupé par des habitants d’Aubervilliers, accompagnés d’élus.
La population et les élus ne cessent d’exprimer leur mécontentement dû aux travaux qui n’en finissent pas. Le centre-ville et ses commerces sont très impactés.
Il n’empêche qu’en février 2017, Elisabeth Borne, alors ministre des transports, écrit à Meriem Derkaoui, maire d’Aubervilliers depuis 2016, pour dire que l’ouverture des deux stations est bien prévue pour décembre 2019.
Mais Aubervilliers n’était pas encore au bout de ses peines.
Invoquant un problème d’infiltration d’eau dû à la nappe phréatique et à la nécessité de congeler les sols pour continuer les travaux, un nouveau retard de deux ans est annoncé, puis un nouveau retard de 6 mois dû à la pandémie.
Cette date tant attendue de l’ouverture est donc maintenant arrivée.
Nous pouvons toutes et tous nous en féliciter. Mais est-il normal d’attendre dix ans pour construire deux stations ?
Les problèmes techniques invoqués n’auraient-ils pas pu être décelés avant ?
Il faut aujourd’hui en tout cas dire un grand merci aux habitants, associations,
élus qui se sont mobilisés toutes ces années sans rien lâcher.
Une injustice a été réparée, même s’il a fallu 25 ans pour cela.
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