A la mémoire d’Hocine Bélaïd

samedi 29 mai 2021

Le 28 mai 2021, la section d’Aubervilliers du PCF a rendu hommage à Hocine Belaïd, assassiné il y a soixante-neuf ans par la police au cours d’une manifestation pour la Paix. A l’occasion de cet hommage, la secrétaire de section, Aurélie Le Meur, a prononcé une allocution dont voici le texte ci-dessous.

Le 28 mai 1952, en fin d’après-midi, plusieurs coups de feu tirés par des policiers claquent place de Stalingrad. Hocine Belaïd, un ouvrier communal d’Aubervilliers, père de quatre enfants - bientôt cinq - s’écroule, mortellement touché. Non loin de lui, Charles Guénard, qui fut déporté durant la guerre, ancien conseiller municipal d’Aubervilliers, est grièvement blessé au genou et décédera quelques semaines plus tard.
La violence qui caractérise cette fin d’après-midi, est l’expression concentrée de la période marquée par les stigmates de la guerre froide et les tensions qui en découlent. La guerre de Corée, commencée en juin 1950, porte à l’incandescence ces dernières.
En février 1952, la suspicion de guerre bactériologique s’installe dans le paysage et au printemps le général Matthew Bunker Ridgway focalise sur son nom la colère et la peur alimentées par la campagne menée sur le thème de la guerre bactériologique. Ancien commandant en chef des troupes américaines en Corée, Ridgway a reçu, le 28 avril, la direction des forces armées de l’OTAN.
Le 7 mai, on annonce qu’il doit entreprendre une tournée en Europe. Sa venue à Paris est programmée pour le 27.
Déjà les cortèges du 1er mai huent le général qui incarne cette guerre et le 7 mai, la Fédération de la Seine du PCF déclare : « Le peuple de Paris ne tolèrera pas un criminel de guerre dans la capitale ». De son côté le Conseil national du Mouvement de la paix décide de mobiliser et le Conseil fédéral des syndicats CGT de la métallurgie appelle lui aussi à la mobilisation.
D’évidence, une rude confrontation s’annonce en raison de la grande violence dont fait preuve la police dans la période.
Dans leur action quotidienne des centaines de militants sont inquiétés voire condamnés pour avoir collé des affiches ou peint des inscriptions. Confrontés à la violence et aux intimidations les militants ripostent. Une statistique d’origine policière établit à plus de 3 000 le nombre des gardiens blessés au cours d’opérations de maintien de l’ordre de mai 1951 à mars 1952. Cette situation explique pour une part essentielle les formes que va prendre la manifestation du 28 mai.
Dans les jours qui précèdent le 28 mai des incidents se produisent avec la police. Et, le lundi 26, aux portes des entreprises, voire à l’occasion de brefs débrayages, des prises de parole sont effectuées pour appeler à la mobilisation.
Le 27, Ridgway arrive à Paris et traverse la capitale sous une très importante escorte policière. A Villejuif, des manifestants tentent de bloquer le cortège officiel et, avenue d’Italie, une banderole est déployée. Mais le grand rendez-vous de lutte est pour le lendemain.
La manifestation a fait l’objet d’une préparation minutieuse.
Les itinéraires des cortèges ont été établis et minutés. Le principe d’organisation est celui de la « boule de neige » : de petits groupes se rassemblent et font mouvement jusqu’à un lieu convenu où ils s’agrègent à d’autres groupes. Ainsi doivent se former les « colonnes » constituée des militants de banlieue et des arrondissements périphériques.
Le cortège du Nord et de l’Est dans lequel prennent place les militants d’Aubervilliers est formé de trois colonnes dont l’une démarrée au carrefour des Quatre-Chemins regroupe environ 2 000 manifestant. Elle entrera dans Paris par la porte de La Villette. La fusion des trois cortèges doit se réaliser Place de La Chapelle et tenter de gagner la place de La République.
Le but poursuivi ne sera pas atteint mais, deux heures durant, 20 000 manifestants vont affronter la police. Le bilan est lourd. Les forces de l’ordre déclareront 372 blessés dont 27 grièvement. Du côté des manifestants le bilan est difficile à établir mais l’on compte comme on l’a dit un mort (Hocine Belaïd), un blessé par balles (Charles Guénard) et de multiples contusionnés. La police procède à 718 interpellations souvent accompagnées de très violents passages à tabac et 140 inculpations vont être prononcées.
En soirée, Jacques Duclos est arrêté. On découvre dans sa voiture deux pigeons morts qu’il s’apprêtait à cuisiner et qui deviennent, un temps, des pigeons voyageurs chargés de mystérieuses tâches !
Le pouvoir, décide de l’épreuve de force. Le « complot des pigeons » est en route. A l’automne, l’attaque contre les organisations ouvrières et démocratiques se développera encore conduisant, notamment, Benoît Frachon, secrétaire général de la CGT, à plonger dans la clandestinité. C’est seulement à la fin de l’année 1953 que l’affaire sera classée.
Je voudrais dire quelques mots sur la mort d’Hocine Belaïd.
La « colonne » formée au carrefour des Quatre-Chemins, a gagné la place Stalingrad et doit de diriger en direction de la place de la Chapelle afin d’effectuer sa jonction avec les « colonnes » provenant des portes de Clignancourt et de La Chapelle. La police a dressé un barrage pour l’empêcher d’avancer. André Karman qui dirige la colonne lance l’ordre d’attaquer. Surpris et secoué, le cordon de police cède en désordre. Pris de panique, un brigadier se voyant isolé, tire, Hocine Belaïd s’écoule non loin du magasin de vêtements « A l’Ouvrier ».
Les obsèques d’Hocine Belaïd se déroulent le 13 juin place de l’Hôtel de Ville. Charles Tillon, prononce le discours d’hommage. Un long cortège, ou ont pris place de nombreux maghrébins, accompagne Hocine Belaïd au cimetière d’Aubervilliers en ce lieu même ou nous lui rendons hommage.
Aubervilliers s’honorerait aujourd’hui en donnant à un espace public le nom d’Hocine Belaïd.

Répondre à cet article