
Prud’hommes (3ème partie) : entretien avec Victor Medokpo
vendredi 21 novembre 2008
Tu es conseiller salarié prud’hommes, peux tu nous dire ce que cela signifie ?
Les Prud’hommes sont une juridiction à part entière devant laquelle sont portés les conflits du travail.
Je suis un militant syndicaliste spécialisé dans le droit du travail. Je suis conseiller prud’hommes CGT depuis 2002, dans la section commerce au Conseil de prud’hommes de Bobigny.
Quelles sont les principales raisons qui conduisent les salariés à saisir les Prud’hommes ?
Les salariés victimes de licenciements abusifs, de discriminations, objets de licenciements ou de violations diverses du droit du travail, s’adressent à la justice prud’homale pour être rétablis dans leurs droits et pour obtenir réparation des dommages qu’ils ont subis.
C’est, hélas, pour bon nombre (employés dans les petites et moyennes entreprises, en l’absence d’organisation syndicale et faute d’instances représentatives du personnel), le seul recours et le seul moyen de se faire entendre.
Comment s’effectue l’instruction des affaires et comment se passe la coexistence au sein du conseil des juges salariés et employeurs ?
Après l’acte introductif d’instance, il y a plusieurs étapes :
- la conciliation (qui s’effectue en présence de deux conseillers du salarié et de deux conseillers employeurs) est une étape obligée, réalisée à huis clos. Mais il y a quelques exceptions à l’obligation. Ainsi, par exemple, les requalifications de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée ou les litiges nés de la vérification des créances salariales dans le cadre de la loi sur les entreprises en difficulté… vont directement en bureau de jugement ;
- si la conciliation n’aboutit pas, l’affaire est renvoyée devant le Bureau de jugement qui comprend quatre conseillers et est présidé alternativement par un conseiller salarié et un conseiller employeur. L’audience du Bureau de jugement est publique. L’affaire est plaidée, et, à la clôture des débats, mise en délibéré en vue d’aboutir à une décision. Au cours du délibéré, un des conseillers (le plus souvent le président d’audience) est chargé de la rédaction de la décision. S’agissant du temps passé à rédiger les décisions, je dénonce un décret scandaleux qui, en imposant la limitation du temps de motivation des jugements, en diminue la qualité ;
- En cas de désaccord entre les conseillers, l’affaire est renvoyée devant le juge départiteur. L’audience doit être tenue au plus tard dans le mois, mais au Conseil des prud’hommes de Bobigny le délai est, au minimum, de 18 mois en raison du manque de moyens matériels et humains.
La coexistence entre les conseillers salariés et employeurs est en général difficile car, ainsi que je l’observe à Bobigny, il y a un constant déni de justice de la part de nombreux conseillers employeurs.
Les Conseils de prud’hommes sont-ils des outils efficaces de la défense des salariés ? Quel bilan tires-tu de ton mandat de ce point de vue ?
Les Prud’hommes sont utiles à chacun. Ils ne se contentent pas de sanctionner mais jouent aussi un rôle dans l’appréciation et l’évolution du droit, dans la formation d’une jurisprudence plus favorable aux salariés. Ainsi, s’agissant du Contrat nouvelle embauche, plusieurs conseils avaient jugé que l’ordonnance instituant ce nouveau contrat ne pouvait recevoir d’application en droit français.
Au total le rôle des Prud’hommes est positif puisque, dans plus de 70% des cas, nous faisons droit, en partie ou entièrement, aux demandes des salariés.
Propos recueillis par André Narritsens
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