Tribune
Clin d’oeil d’Iéna : le candidat de "die Linke" élu député au parlement allemand !
lundi 12 octobre 2009
A l’occasion du dixième anniversaire du jumelage entre Aubervilliers et Iéna, nos amis d’outre Rhin se rappellent à notre bon souvenir. On a observé les élections en Allemagne. On attendait avec intérêt les résultats d’Iéna, ville qui bénéficiait d’indicateurs économiques à priori meilleurs que les autres villes de l’ancienne RDA. Les résultats n’ont finalement pas échappé au mouvement général observé en Allemagne et en Europe à travers les différents scrutins qui se sont déroulés au cours des dernières semaines : victoire des forces conservatrices, affaiblissement significatif des socialistes et poussée à la gauche de la gauche. Et on a la satisfaction de voir le candidat du front de gauche allemand élu dans une ville avec laquelle Jack Ralite puis Pascal Beaudet ont entretenu des relations suivies.
Le député sortant, social démocrate, recule de plus de dix points par rapport à l’élection de 2005. Il enregistre 21,3% des suffrages, ce qui le place en troisième position, derrière le représentant de la CDU, 28,7% des voix (+4 points) et surtout le représentant de Die Linke, élu avec 30,4% des voix (+1 point). Plus significatif encore sont les résultats de ce que les allemands appellent le deuxième vote : les allemands votent une première fois pour élire la moitié des députés et émettent un second vote pour une liste dont les candidats sont élus à la proportionnelle. C’est en fait un indicateur de la confiance accordées aux formations politiques. Si die Linke et la CDU obtiennent un résultat proche du résultat du vote direct (respectivement 30% et 27,6%), le parti social démocrate perd encore 4 points par rapport au score de son député sortant (17,2%).
Ralph Lenkert, le nouveau député "die Linke" est intimement lié au nom Carl Zeiss la célèbre firme d’optique où il a débuté comme techninicien avant d’en subir le démantelement. Il faisait partie des 30000 salariés que comptait Zeiss dans les années 80. Puis après la réunification, des restructurations d’une violence inouïe ont réduit en quelques mois le personnel à moins de 1800. Dépeçage de l’entreprise par la multiplication des filiales, rapatriement de nombre d’activités à l’ouest, suppression même de la marque Carl Zeiss qui devient Ienoptik à Iéna, les moyens les plus brutaux du capitalisme qui ont été mis en oeuvre, puisqu’en une nuit, de nombreux ateliers ont été rasés au bulldozzer pour tuer dans l’oeuf toute vélléité de réappropriation de l’outil de travail par les salariés.
Carl Zeiss avait déjà donné en 1945 quand les américains ont réquisitionné les 100 meilleurs ingénieurs pour reconstituer la matière grise de l’entreprise à l’Ouest et les soviétiques récupéré une partie des machines. Mais la violence des moyens mis en oeuvre au début des années 90 a laissé des traces sans doute encore plus fortes en terme de chômage, de destructuration sociale et d’humiliation. La qualification de Ralph Lenkert lui a permis de poursuivre dans différentes entreprises sa carrière professionnelle. Témoin des méfaits causés par les politiques d’adaptation systématique aux lois du marché qui ont déconsidéré un SPD jugé non seulement inefficace mais aussi co-responsable des fameux emplois à 400 euros qui fleurissent en Allemagne aujourd’hui, on se réjouit qu’il fasse partie des 76 députés "die Linke" à Berlin.
Éric Plée
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