60 ans après, nous n’oublions pas les victimes de Charonne

mardi 8 février 2022

60 ans après nous n’oublions pas les victimes de Charonne et nous rendons hommage à Suzanne Martorell, albertivillarienne membre de la CGT et employée de l’Humanité, assassinée pour son combat pour la paix, l’indépendance des peuples opprimés et contre le racisme.
Comme chaque année, les communistes d’Aubervilliers ont déposé une gerbe devant son domicile sous la plaque commémorative. S’en est suivi une allocution d’Anthony Daguet, conseiller municipal. La cérémonie s’est terminée par « Je t’attends à Charonne » chanson de Leny Escudero interprétée par Juliette Gréco.

Allocution d’Anthony Daguet :

Il y a soixante ans, dans la nuit froide du 8 février 1962, la barbarie policière raciste et anticommuniste frappait à Paris un cortège pacifique de manifestants anti-OAS.
De quoi nous parlent cette manifestation et cette violence ?

Cette manifestation exprime d’abord une reprise de masse de la rue, jusque là difficilement occupée par des militants courageux et souvent incompris, qui bravaient les matraques de la police. Il y eut de ces manifestations à Aubervilliers sur le marché du Centre-Ville notamment, où quelques militants parvenaient à se grouper pour crier « Paix en Algérie », « Indépendance pour le peuple algérien ».

Le 8 février 1962, la situation a grandement changé. Certes, l’offensive de l’OAS se déploie mais la riposte qui se manifeste dans la rue est à la hauteur de l’attaque. Massive, la manifestation garde cependant une ossature très militante comme le montre l’engagement politique et syndical des victimes.

La violence criminelle dont les manifestants vont être victime se nourrit de l’idéologie réactionnaire, raciste et anti-communiste de beaucoup de policiers qui montrent de grandes sympathies pour l’Algérie française et l’OAS. C’est pourquoi ces policiers mobilisent leur haine contre leurs adversaires de toujours et répètent la violence qu’ils ont déployée quatre mois plus tôt contre les algériens manifestant, eux aussi, pacifiquement à Paris.

Mais cette violence, qui implique très concrètement des assassins qui ne seront jamais inquiétés, est aussi la violence de l’Etat. Car cette violence a été voulue, organisée puis protégée par l’Etat. On cite souvent la responsabilité de Maurice Papon dans cette affaire et celle-ci fut en effet bien réelle, mais il y eut d’autres commanditaires, jusqu’au plus haut niveau.

Il ne s’agissait pas d’une bavure, c’est -à-dire d’une violence s’étant produite « accidentellement » en dehors de la loi, mais je le redis, d’un acte délibéré, organisé et protégé. Il fut sans doute exacerbé par le contexte extrême où il se produisit mais il confirmait une très ancienne tradition de violence contre le mouvement ouvrier.
Cette culture de la violence n’a pas disparue, on l’a récemment vu. En témoignent les éborgnés, les mutilés, les multiples blessés et les morts des mobilisations récentes.
Je voudrais ajouter quelque mots à propos du racisme qui imbibait à l’époque la société française, un racisme profond, incrusté dans l’idéologie colonialiste, le sentiment de supériorité qui en découlait. Ce racisme était une plaie, un « poison » disait la CGT. La victoire sur le nazisme intervenue moins de deux décennies plus tôt ne l’avait pas éradiqué : il se reproduisait inlassablement.

Et il n’a cessé de le faire jusqu’à aujourd’hui, sous des formes diverses, produisant d’affreuses conséquences.

La rude bataille qui se déroulait dans les rues de Paris le 8 février 1962 concentrait, on le voit, des questions multiples qui restent très actuelles.

Dans la France d’aujourd’hui où les idées d’extrême droite fleurissent sans vergogne, les combats autrefois menés doivent reprendre avec intensité.

Et c’est pourquoi le sacrifice de Suzanne Martorell et de ses camarades doit être constamment rappelé dans ce qu’il fut en signification profonde. C’est notre devoir.

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