
Reconstruction du collège Jean Moulin à Aubervilliers : consternation et colère à l’annonce du projet définitif
mercredi 15 février 2012
Ca sentait déjà le roussi depuis un certain temps. Les élections cantonales de 2011 passées, la communauté scolaire apprend que son établissement fera partie d’un lot de quatre établissements qui seront conçus et construits par un même entrepreneur. Celui-ci en restera propriétaire pendant 25 ou 30 ans et le conseil général en sera locataire ! C’est le partenariat public privé (PPP)
Tous perdants !
D’abord financièrement puisqu’on sait qu’un établissement d’une valeur de moins de 30 millions d’euros reviendra en PPP à 40 millions. Toutes les observations le confirment : l’école Dolto Maathai à Aubervilliers construite en PPP coûtera 23,5 millions d’euros quand une école équivalente à la Courneuve coûte en maîtrise d’œuvre interne 14 millions. Et les rapports de la cour des comptes, l’attitude récente de la région Île-de-France qui a mené un bras de fer avec l’État pour éviter le financement en PPP du campus Condorcet à Aubervilliers, les retours d’expériences menées dans les pays anglo-saxons, sont accablants pour les PPP.
Ensuite faire un lot de quatre établissements empêche d’effectuer pour chaque collège un choix qui permettrait de prendre en compte les particularités de chaque établissement par rapport à son histoire, son environnement et les attentes de ses usagers. C’est d’ailleurs ce qu’avait dénoncé l’ordre des architectes d’Île-de-France dans une tribune parue dans le Moniteur en début d’été.
Et pire, personne n’est capable de dire aujourd’hui aux principaux intéressés à quoi ressemblera le collège Jean Moulin. C’est en tout cas ce qui est ressorti du conseil d’administration du 9 février 2011.
Finalement, le travail de concertation ébauché avec le conseil général en 2009 a purement et simplement été jeté aux oubliettes, au mépris des réflexions menées par les personnels du collège et même les techniciens qui, malgré la difficulté des discussions, avaient été source de proposition dans l’organisation du nouvel établissement.
Bilan des courses, 40 millions d’argent public pour un projet déconnecté des réalités !
Voilà donc que le nouveau collège sera positionné vers le fond du terrain, perpendiculairement à la rue, pendant que l’établissement actuel continuera à fonctionner pendant la phase de construction. Hypothèse qui n’a été discutée nulle part ni avec les usagers qui savent pour le vivre quotidiennement ce qu’est un établissement mal conçu, ni par la collectivité d’accueil qui devrait pourtant avoir son mot à dire sur les abords extérieurs de l’établissement.
Mais sans doute le groupe attributaire du marché a-t-il voulu jouer l’effet de surprise auprès du jury en proposant un projet qui tranche avec les options envisagées et travaillées. Effet gagnant auprès du président du conseil général qui a sans doute été séduit par ce qu’il a pu considérer comme un parti pris audacieux (et sans doute moins cher parce qu’évitant la pose de préfabriqués).
Quant à l’effet auprès des usagers, il est nettement moins gagnant. On a le sentiment qu’il y a comme une fatalité autour de cet établissement qui dès son ouverture en 1975 avait révélé une organisation mal adaptée.
Amateurisme sur toute la ligne
Le cahier des charges pourtant contesté et retoqué par la communauté éducative (puisqu’il compte des salles de classe en moins alors que le nombre d’élèves augmente, l’absence de salle informatique, moins de salles spécialisées), a servi de base dans l’opacité la plus totale au travail de l’architecte qui a conçu son projet sans avoir pris connaissance des attentes des usagers.
Les incohérences risquent d’être nombreuses, comme la loge du gardien à l’opposé de l’entrée de l’établissement que le conseiller général a pu relever in extremis alors que les projets lui étaient présentés en coup de vent à l’hôtel du département.
La colère des participants aux conseils d’administration, placés devant le fait accompli, était palpable. Ils déplorent l’irresponsabilité de l’exécutif départemental qui a mis en œuvre un processus incontrôlable et incontrôlé sur le plan financier, et qui n’est pas garant d’une réalisation satisfaisante pour les jeunes d’Aubervilliers.
On sait que les élus communistes au conseil général (dont Pascal Beaudet et Jean-Jacques Karman) doivent auditionner prochainement Matthieu Hanotin, vice-président en charge des collèges sur la question des PPP. On souhaiterait que la Ville d’Aubervilliers qui a son mot à dire sur l’intégration de l’établissement dans l’environnement urbain intervienne, comme l’avait d’ailleurs fait avec justesse son représentant Bernard Vincent sur l’amiante, mais c’est beaucoup demander à la municipalité actuelle. Et l’essentiel reste dans la nécessité de porter le débat pour créer les rapports de force afin que les jeunes ne subissent pas à la fois les difficultés du département et les choix malheureux de ses décideurs.
Eric Plée
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