Pourquoi le monde de l’éducation est en grève mardi 31 janvier
mardi 31 janvier 2012
Évaluation des enseignants par les chefs d’établissement, nouvelle saignée dans les postes pour la prochaine rentrée, cela se traduit à Aubervilliers par des inquiétudes d’autant plus forte que les écoles, collèges et lycées sont ici souvent en première ligne quand il s’agit de mettre en œuvre les politiques l’éducation nationale.
Si un plus incontestable avait pu être constaté en 1998 suite au fameux mouvement du 93, tous les établissements de la ville avaient alors à quelques exceptions près été classés prioritaires, ou encore en 2008 pour le lycée Henri Wallon qui avait bénéficié pour trois ans de moyens supplémentaires pour apporter une aide aux classes de seconde (palier souvent difficile à franchir pour nos élèves), les mesures qui se mettent en place aujourd’hui répondent davantage à une politique d’affichage ou d’accompagnement de réduction des moyens. C’est encore plus sensible à Aubervilliers où les besoins sont plus forts.
Des logiques d’image plutôt que des réponses à des besoins identifiés
Il en va ainsi des RASED (pour aider les élèves en difficulté avec des maîtres ayant eu une formation spécifique) à l’école primaire, dont l’effectif déjà réduit sera de nouveau amputé à la prochaine rentrée pour contribuer à l’objectif de suppression de 14000 postes. De même, le classement de certains collèges (Rosa Luxemburg et Jean Moulin) en "Eclair" (c’est après les ZEP, les établissements "ambition réussite" une nouvelle dénomination pour l’éducation prioritaire) s’effectue sans moyens nouveaux et surtout sans prendre en compte l’expérience des équipes qui découvrent que le recteur vient en grande pompe signer avec les chefs d’établissement des contrats souvent consternants de vacuité en décalage avec les réflexions de travail que les enseignants ont mené depuis des années. Il s’agit en fait de faire passer des orientations nationales sans discussion ni concertation qui répondent plus à des logiques d’image qu’à la réponse à des besoins identifiés.
Ainsi en décembre dernier, le lycée Henri Wallon a dû voter un budget dont l’État a supprimé 10000 euros au titre du classement lycée d’excellence qui permettait pourtant un soutien à un grand nombre d’élèves de seconde, "la priorité étant désormais accordée aux internats d’excellence" précisait la proviseure du lycée lors du conseil d’administration de décembre. Quand on sait qu’aucun bilan n’a été fait de ces structures, que la région Île-de-France (pourtant riche) "n’a pas versé un centime pour ces internats" qui selon Henriette Zoughebi, vice présidente communiste de la région "constituent une véritable arnaque", que Bruno Julliard pour le parti socialiste précise qu’on en "attend un rapport cinglant de la cour des comptes" et qu’ils "n’ont pas vocation à perdurer longtemps" [1], on comprend le malaise ressenti par les acteurs du système de plus en plus en décalage avec des logiques qui font des salles de classe le réceptacle de politiques dont le seul objet est de disqualifier ses professionnels pour casser le système au mépris de jeunes dont les familles voudraient croire en l’éducation nationale pour donner à leurs enfants un bagage pour l’avenir. L’exemple des internats dits d’excellence n’est qu’une dimension d’un système dont le démantèlement se mesure à des performances scolaires désormais en baisse depuis une quinzaine d’années.
Des pratiques managériales directement inspirées du privé
C’est dans ce contexte que s’inscrivent de nouvelles pratiques managériales directement inspirées du privé (Chatel a été DRH chez l’Oréal) avec un système qui privilégie la docilité du professeur dont le chef d’établissement, lui même sous pression, apprécierait l’adaptabilité de par sa capacité à appliquer les politiques d’établissement et non plus sa capacité à transmettre un savoir. Concrètement, dans le second degré, l’avancement d’un enseignant qui dépendait pour 40% d’une note donnée par sa direction et pour 60% par son inspecteur dépendrait uniquement du chef d’établissement. Ce n’est certainement pas la meilleure façon d’assurer une amélioration du système qui en a pourtant bien besoin.
Eric Plée
Notes
[1] Propos relevés par l’OZP (observatoire des zones prioritaires) qui avait demandé aux représentants des différentes formations politiques leur appréciation sur l’éducation dans la perspective des élections présidentielles.
9 Messages