
Primaires socialistes, « une course de petits chevaux »
jeudi 6 octobre 2011
Plusieurs internautes ont fait part sur ce site de leur position argumentée par rapport aux primaires socialistes. Nous vous livrons sur le sujet le point de vue de Remi Lefebvre, professeur en sciences politiques, qui s’est exprimé pour "Regard.fr", et dont l’interview reflète plutôt bien la position des militants communistes d’Aubervilliers.
Entretien, par Rémi Douat | 9 septembre 2011
Regards.fr : Les primaires ouvertes sont présentées par le PS comme une avancée démocratique. Vous êtes très loin de ce constat. Pourquoi ?
Rémi Lefebvre : Désigner son candidat à l’élection présidentielle par un processus mobilisant au-delà de ses adhérents relève en effet de la fausse évidence démocratique. Cela traduit une certaine immaturité sur ce que pourrait être la démocratie participative. Dans l’état, il s’agit d’une prime à la personnalisation et aux logiques d’opinion à court terme. Cela renforce l’effet course de petits chevaux, où les sondages d’opinion et les petites phrases font la pluie et le beau temps. Bonne nouvelle pour les journalistes, qui adorent ça, mais ce n’est pas ça la démocratie ! Enfin, ajouté au quinquennat et à l’inversion du calendrier présidentiel, les primaires entérinent à l’intérieur même du PS une présidentialisation déjà renforcée par Nicolas Sarkozy.
Regards.fr : Les primaires auraient donc tendance à dépolitiser ?
Rémi Lefebvre : Il n’y a pas de débat d’idées et les catégories populaires sont mises de côté, comme le préconise d’ailleurs explicitement Terra nova, le think tank instigateur de ces primaires. Je ne suis pas sûr que le citoyen ordinaire se sente concerné par ce vote. On peut toujours parler de « mobilisation populaire », ce ne sont pas les habitants des quartiers populaires qui vont voter. Il s’agit d’un événementiel démocratique. J’y vois un triste fatalisme du PS, le même qu’il observe face à l’économie de marché. Il devrait se donner a minima comme objectif de tempérer les logiques à l’oeuvre. Le choix qui est fait est de jouer le jeu de l’acceptation, sur le plan économique comme sur la question de la présidentialisation. Avec ces primaires, le PS renonce à l’idéal du parti militant.
Regards.fr : Un parti de militants à tout prix, n’est-ce pas une vision conservatrice de ce que doit être un parti ?
Rémi Lefebvre : L’analyse que j’en fais est plus pragmatique que conservatrice : les sociologues montrent qu’on ne milite que quand on a une gratification, et cette dernière s’incarne bien souvent dans la capacité à décider. Or, les primaires ouvertes dépossèdent de fait les militants socialistes d’une partie de leur pouvoir et rend le fait de militer moins attractif. Le groupe disparaît alors que l’idée même du parti est de construire ensemble. Je suis convaincu que, au fond, les dirigeants socialistes pensent que le militantisme n’a pas d’avenir puisqu’ils mettent en place une machine à réduire la base militante.
Remi Lefebvre est l’auteur d’un ouvrage : "les primaires socialistes, la fin d’un parti militant"
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