Reconstruction du collège Jean Moulin à Aubervilliers : l’ordre des architectes d’Ile de France jette un pavé dans la mare !

samedi 10 septembre 2011

Notre site a évoqué à plusieurs reprises la reconstruction du collège Jean Moulin, notamment en y dénonçant le choix du PPP [1]. L’ordre des architectes d’Île de France insiste sur les effets d’une dimension spécifique à la Seine-Saint-Denis liée aux choix effectués par Claude Bartolone, président du Conseil général : les conséquences qu’aura le traitement de ces constructions par lots de de 3 ou 4 établissements.

Dans une tribune publiée dans le moniteur du BTP le 12 juillet 2011 et que nous reproduisons ci-dessous, l’ordre des architectes s’inquiète du danger que représente le choix de "la meilleure prestation globale d’un groupement " dans le cadre d’un PPP au détriment du "meilleur projet". Concrètement, le collège Jean Moulin fera partie d’un lot comprenant trois ou quatre collèges du département. Chaque lot sera traité globalement ce qui signifie que les particularités locales ne pourront être prises en compte, au mépris des attentes des personnels et parents de chaque établissement ainsi que des villes qui accueillent ces établissements. Les villes devraient pourtant avoir leur mot à dire sur l’architecture extérieure et la façon dont celle-ci s’articule avec le quartier.

On sait pourtant les dégâts qu’ont causé pendant des décennies des établissements mal construits, dont les accès ont été mal étudiés, pour ne pas aujourd’hui tirer les leçons des errements architecturaux et urbains que la collectivité subit encore aujourd’hui. Le texte suivant propose une approche intéressante dans la mesure où elle apporte un éclairage complémentaire aux analyses faites par les usagers.

Eric Plée


Jusqu’où laissera-t-on dériver les PPP ? Le très mauvais exemple des collèges de la Seine-Saint-Denis
(Tribune de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France 12/07/2011)

L’Ordre des architectes a déjà à plusieurs reprises exprimé sa très grande réserve sur le dispositif des partenariats public-privé appliqué à la production architecturale.

En mêlant simultanément dans une même offre l’architecture, les travaux de l’entreprise, les conditions financières de l’emprunt, la maintenance et la résultante financière qu’est le loyer à payer sur une longue période, le partenariat public-privé conduit inévitablement à la marginalisation du critère de la qualité architecturale du projet.

Aujourd’hui, avec le système mis en place par le Conseil Général de Seine-Saint-Denis pour la construction de 12 collèges par le biais de trois contrats partenariat public-privé, c’est une étape supplémentaire qui est franchie, justifiant les nombreuses craintes déjà formulées et en faisant naitre de nouvelles.

Chacun des PPP recouvrant la construction de 4 collèges, pourtant situés sur des communes différentes , le jugement des offres de chacun d’eux sera donc renvoyé à une appréciation globale moyenne qui présente le risque inacceptable d’un résultat qualitatif qui ne soit pas optimum pour chacun des équipements.

Ce n’est en effet pas le meilleur projet pour chaque collège qui sera choisi in fine mais la meilleure prestation globale d’un groupement pour un lot de 4 collèges. L’hypothèse que le groupement sélectionné ne propose pas les meilleurs projets pour chacun des quatre collèges du lot est donc fort probable, ce au détriment de certaines des collectivités qui accueilleront ces futurs équipements et en totale contradiction avec l’esprit de la loi de 1977 affirmant l’intérêt public de l’architecture.

Outre la question centrale de l’affaiblissement du critère de la qualité du projet architectural, l’Ordre des architectes d’Île-de-France dénonce également l’absence d’indemnités pour les équipes ayant remis une esquisse mais n’étant pas retenues au cours du dialogue compétitif pour la phase finale (la remise de l’offre étant prévue en deux phases) et les conditions de rémunération très nettement insuffisantes pour les architectes participant à la totalité du dialogue.

On peut également émettre des doutes sur l’efficacité économique supposée de cette procédure, le regroupement en macro lots de 4 collèges écartant de fait de nombreuses entreprises et restreignant la concurrence à un très petit nombre de groupes aptes à faire face à de telles conditions financières.

Jusqu’à ce jour la construction des collèges a toujours relevé en Ile de France de concours d’architecture. Ceux-ci ont grandement contribué à dynamiser la diversité et la qualité architecturale, à changer l’espace de la vie scolaire, et à enrichir le patrimoine de l’architecture contemporaine francilienne.

Alors qu’il était parfaitement possible au Conseil Général de Seine Saint-Denis d’organiser pour chaque collège une première phase de concours d’architecture et de mettre au point le projet lauréat par la suite avec les groupements, le recours à la procédure de PPP dès la conception et dans une logique globalisante, marque un recul inacceptable de la primauté du projet architectural dans la conception d’équipements publics majeurs sur le territoire de nos villes.

Le Conseil de l’Ordre des architectes d’Île-de-France est résolu à poursuivre son action contre les dérives en cours des procédures de passation de commande qui mettent en cause les fondements même de la loi sur l’architecture et ce faisant, ceux de l’intérêt public.

Tribune de l’Ordre des architectes d’Ile-de-France | Source LE MONITEUR.FR

Notes

[1PPP (Partenariat Public Privé) : L’État ou la collectivité locale confie à un grand du BTP la construction d’un établissement. Celui-ci en est propriétaire pendant 25 à 35 ans (selon le contrat). La collectivité en devient locataire et lui verse un loyer.

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