
Crise de la dette : le remède pire que le mal
dimanche 17 juillet 2011
Les marchés financiers sont dans tous leurs états. Au bout de 8 heures de
discussion lundi dernier à Bruxelles, les ministres de le zone euro ont été
incapable de s’entendre sur le second plan d’« aide » à la Grèce, que
l’Europe tente en vain de mettre en œuvre depuis 1 an.
Un défaut de paiement grec n’est désormais plus à écarter.
Depuis quelques jours, les bourses européennes, de Milan à Paris, s’effondrent,
dans le sillage de l’euro. L’Italie et l’Espagne sont désormais dans le collimateur.
Leurs obligations sont massivement vendues par des investisseurs qui font la
pluie et le beau temps, et doutent de leur solvabilité.
L’Italie, notamment, avec un endettement public correspondant à 120% du PIB,
pourrait, comme la Grèce, l’Irlande et le Portugal, se trouver incapable de
refinancer sa dette sur les marchés.
La dette : cancer de l’économie en cours de métastase
Tous ces rebondissements depuis une semaine nous démontrent une chose :
la dette, contrairement à ce qu’on nous a dit depuis plus d’un an, n’est pas une
affaire grecque. Dés le printemps 2010, les agences de notation et
les investisseurs ont fait courir le bruit qu’Athènes ne pourrait plus assumer
ses créances. Leurs remèdes ? Aucun, si ce n’est l’aggravation de l’austérité,
qui elle-même freine la croissance, creusant encore plus les déficits, et
accroissant encore plus la dette publique.
La Grèce a déjà consacré 5% de son PIB au rééquilibrage de sa dette.
Selon la Commission Européenne elle-même, les intérêts exorbitants que
ce pays doit payer représentent à eux-seuls 70% du déficit de ce pays.
Mais ce qu’il faut surtout comprendre, c’est que ce sont les gouvernements
eux-mêmes qui ont organisés le business de la dette.
Traditionnellement, en effet, un état dispose de 3 moyens pour se financer :
les impôts
la création monétaire par la Banque Centrale Européenne
le recours à l’emprunt
Depuis 30 ans, les différents gouvernants européens ont sciemment organisés
le sabotage du premier. Le Traité de Maastricht de 1992, organisant l’Union
Monétaire Européenne (UEM), a interdit le deuxième. La Banque Centrale
Européenne ne peut pas financer directement les états. Auparavant, pour
la France, par exemple, il suffisait que la Banque de France consente
une avance à l’État en créditant le compte du Trésor Public, dans la limite de
certaines règles. Bien sûr, la méthode comporte un risque : si la masse
monétaire augmente plus vite que la production, l’inflation s’accélère, ce qui
est mauvais pour les détenteurs de capitaux qui prêtent aux états car
l’inflation grignote leur rente.
Les banques toutes puissantes
Impensable pour nos gouvernants qui en association avec ces détenteurs de
capitaux ont conçu l’UEM. Au nom du soi-disant modernisme et du génie
supposé de la finance contemporaine, ils avaient décidé, depuis 10 ans, que
les états se financeraient essentiellement par l’emprunt. Pas auprès
des petits épargnants mais sur les marchés « libérés », dérégulés et
internationalisés.
En clair, les gouvernements européens ont remis les clefs aux banques,
aux fonds spéculatifs et aux agences de notation, celles là mêmes s’étant
montrés incapables de prévoir la crise de 2008.
Aujourd’hui, les effets de cette politique reviennent donc comme un boomerang
vers ceux qui en furent les précurseurs. Et ce boomerang pourrait bien revenir
également aux États-Unis. Face à une crise américaine qui menace le pays
de cessation de paiement, le président Obama est obligé de trouver
un compromis avec la majorité républicaine du Congrès, qui réclame une coupe
dans les dépenses sociales.
Des cadeaux aux plus riches qui finissent par plomber les États
Mais la véritable origine de la dette, que l’on nous cache, ce sont les baisses
d’impôts. « Moins d’impôts ! » Ce slogan était assorti d’une promesse :
c’était bon pour l’économie. Mais à force de cadeaux aux entreprises et aux
plus riches, les dirigeants de droite ou sociaux-démocrates ont vidés
les caisses : 700 milliards d’euro de dette en plus en France en 10 ans !
Toujours en France, les cadeaux fiscaux représentent 110 milliards d’euro
par an. Avec cet argent dans les caisses, 70% du déficit disparaît.
C’est pour cela qu’aujourd’hui un certain nombre de personnalités réclament,
tel Patrick Le Hyaric, député européen du Front de Gauche, des moratoires,
des annulations, des restructurations de la dette, avec une implication active
de la Banque Centrale Européenne, pour que celle-ci puisse prêter directement
aux états sans passer par les marchés financiers.
Un "pacte" pour constitutionnaliser la rigueur
Mais le Pacte Euro Plus, concocté par Sarkozy et Merkel, que dénonce
d’ailleurs Patrick Le Hyaric dans son livre « Le Pacte des Rapaces », aux
éditions L’Humanité, tend à l’édification d’une camisole de force pour les états.
Déjà, sur injonction des tenants de l’Europe libérale, la droite française a voté
à l’Assemblée Nationale cette « règle d’or » qui consiste à inscrire dans notre
Constitution la limitation des dépenses publiques. Mais pour modifier
la Constitution, le vote des trois cinquièmes des parlementaires réunis
en Congrès est nécessaire. Cela ne peut donc se faire sans la gauche, ou
une partie au moins de ses élus.
François Fillon, Premier Ministre, a déjà parlé mardi dernier 12 juillet d’une
convocation possible du Congrès à l’automne.
Nul doute que les parlementaires du Front de Gauche voteront contre.
Gageons que cette fois ci l’ensemble de la gauche en fera autant pour que
ce projet puisse être déjoué.
En tout état de cause, ce débat sera au cœur de la présidentielle, et chacun,
parmi ceux qui prétendent combattre le libéralisme, devra prendre
ses responsabilités.
Affaire à suivre….
Silvere Rozenberg
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