Conseils de quartier : le malaise de la démocratie locale !
dimanche 7 février 2010
Samedi 6 février, madame Diakité, adjointe au maire chargée de la démocratie locale, a réuni en mairie les membres des collectifs d’animation des conseils de quartier pour faire le point sur la démarche initiée par la municipalité depuis presque deux ans, et effective depuis 8 mois. Témoignage de la bonne volonté des uns et des autres, et ce malgré la désertion des conseils de quartier et leur périodicité de moins en moins régulière, la salle du Conseil municipal était remplie d’une cinquantaine de personnes, dont dix fonctionnaires municipaux.
Une introduction du maire en décalage avec la perception des acteurs de terrain
Sans minimiser les dysfonctionnements de la démarche et la nécessité d’un rodage qui dure quand même depuis deux ans, le maire dans son exposé introductif a détaillé les différents dispositifs mis en place par la municipalité : les divers conseils (ainés, étrangers, jeunes...), citoyens référents sur la sécurité (sic) qui devraient être amené à animer à terme les réunions sur la sécurité, assises de la propreté avec bilan annuel, observatoire des engagements dans lesquels les représentants des quartiers auront toute leur place... Tout cela donne d’ailleurs l’impression d’un foisonnement d’initiatives sans ligne directrice et contribue à créer un flou perceptible tout au long de la réunion sur les responsabilités des uns ou des autres.
Le maire a insisté sur ce qu’il considère être le caractère novateur de l’élection des présidents de conseil de quartier, "on est une des rares villes à avoir fait ça", de "l’espace démocratique en train de naitre" qui s’inscrit dans la perspective de moyens nouveaux pour les quartiers en terme de fonctionnement et d’enveloppes de quartier, dès 2011.
La plupart des intervenants sont beaucoup plus nuancés dans leur enthousiasme et traduisent dans leur propos de réelles difficultés de fonctionnement.
Un manque de légitimité évident des présidents élus !
Difficultés d’accès à l’information, à des moyens matériels, à des élus peu disponibles qui apparaissent souvent plus comme un frein au fonctionnement qu’un encouragement aux initiatives, on pouvait avoir le sentiment qu’on était plus sur le technique que ce que la présidente du quartier du centre ville définit comme "la réappropriation du politique par les citoyens".
Difficultés surtout dans le suivi des dossiers en cours, où un autre président souligne "qu’on fait beaucoup remonter sans voir grand chose redescendre"... d’où un sentiment d’inutilité par rapport aux attentes des citoyens. Faute d’avoir été légitimés par une élection sérieusement organisée, ils ne le sont pas d’avantage dans leur positionnement par rapport aux élus et l’administration de la Ville.
Madame Diakité a beau s’escrimer à répéter qu’il faut connaitre la charte, et même fustiger certains membres des collectifs d’animation qui ne l’ont pas lue, on ne peut s’empêcher de penser que si ce document avait été élaboré dans la concertation, les uns et les autres se seraient un peu mieux approprié une méthode de travail.
Des élus en réelle difficulté !
Les professionnels de la ville tentent, dans la limite de leur fonction, d’affiner le cadre en faisant évoluer la réflexion : mise en oeuvre de formations pour les collectifs d’habitants, travailler sur les problèmes d’information, de communication, dont chacun reconnait qu’ils constituent un véritable handicap. L’exemple de la pose de la première pierre de l’école rue Paul Doumer, sans que le Président du conseil de quartier ne soit invité, est révélateur de ces dysfonctionnements dont un élu admet qu’ils sont globaux sur la ville.
Une participante précise "que l’exercice de la démocratie n’est pas chose aisée, et qu’il faudrait que les élus puissent épauler les présidents dans leur fonction". Mais force est de constater que les réactions des élus, dont on a bien compris qu’ils ne s’engageraient pas dans un investissement plus important, ne sont pas de bon augure. Une élue précise qu’elle privilégiait sa délégation au quartier dont elle est référente, une autre qu’elle n’a que deux soirées de libre au cours du prochain mois, une autre encore explique qu’elle n’habite pas le Landy et qu’elle n’y habitera pas parce qu’elle ne connait pas !
"Tout le monde se marche sur les pieds et en plus, la machine mouline à vide !"
C’est le constat d’un participant qui en quittant la salle se demande aussi combien de personnes seront présentes la prochaine fois. Il faut noter que pour une réunion de cette nature, certaines données statistiques auraient été utiles : périodicité des conseils de quartier, participation des habitants, sujets traités. elles auraient permis de donner du sens à l’affirmation du maire sur "l’espace démocratique en train de naitre".
Plus concrètement, on sent bien la difficulté à faire fonctionner les élus, les représentants des habitants, les professionnels dans un sens qui permette une réelle prise en charge de la chose publique par les citoyens : faire émerger une capacité de contrôle des habitants, favoriser l’émergence de projets qui ne soient pas seulement à caractère animationnel. Pour l’instant, il semble qu’on soit davantage sur les difficultés de positionnement des uns et des autres. Ce sont les professionnels de la ville qui en font les frais par une déqualification de leurs missions et le règlement de problèmes qui peuvent les conduire à un formalisme excessif et usant.
Démocratie locale sous perfusion ?
Dans ce contexte, le risque est grand de se contenter répondre par des moyens matériels ou financiers au problème. C’est d’ailleurs ce que revendiquent certains présidents de conseil de quartier : téléphone portable, personnels sous forme de contrat aidés... Aussi, le maire dans son propos liminaire évoquait-il le doublement du fond d’initiative local destiné aux animations et la création d’une enveloppe financière pour les quartiers... La démocratie a un coût, il faut l’assumer. Mais elle mérite sans doute mieux qu’une perfusion qui n’apporterait pas un plus collectif en matière d’amélioration du quotidien, d’aide à la décision pour la collectivité et une exigence sur ses représentants élus. On attend de cette démarche qu’elle leur permette de se saisir des enjeux budgétaires de la collectivité, d’environnement, d’urbanisme, sociaux qui touchent le quartier... C’est à cela qu’on mesurera le bilan.
Eric Plée
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