Tribune de Jack Ralite dans l’Humanité du 23 juin 2009

Internet et création

mercredi 1er juillet 2009

Le Conseil constitutionnel, le 10 juin dernier, a rejeté l’essentiel de la deuxième loi Hadopi, estimant attentatoire aux libertés fondamentales le transfert de la compétence de l’autorité judiciaire à une autorité administrative. Il a repris, ainsi, une démarche du Parlement européen qui avait cerné l’importance, dans la société, de la liberté d’accès à l’Internet qui concerne désormais l’immense majorité de la population et des activités dans notre pays. C’est un soufflet à la stratégie sarkozyenne qui créé et vit des clivages entre internautes et auteurs, et à l’intérieur même des auteurs, provoquant une fragmentation et une déstabilisation de la société. C’était prévisible dès la nomination de monsieur Olivennes, PDG de la FNAC, représentant les Affaires à la tête de la commission accoucheuse du projet de loi dont étaient scandaleusement absents les artistes, les journalistes, les téléspectateurs, les internautes et les chercheurs, mais où étaient présents, a contrario, les grandes affaires, les soi-disant experts, qui enserraient les sociétés d’auteurs.

Le pouvoir avait voulu diviser, il y est arrivé ; avait voulu surveiller, il vient d’être condamné ; avait voulu apparaître comme défenseur des droits d’auteur, il les met dans la situation la plus difficile qu’ils aient connue depuis des décennies. Lors du débat de l’Hadopi au Sénat, le 13 mai dernier, j’avais souligné la stratégie gouvernementale et provocatrice des clivages, j’avais souligné la pratique législative que cela supposait : le vote d’une loi non appliquée, l’application d’une loi avant d’être votée et cette loi qui allait être votée mais inapplicable ! C’est rendre la loi volatile, inefficace, voire destructrice, alors que son rôle est de construire sans cesse le contrat social. J’avais souligné, aussi, la flatterie du Palais à l’égard des auteurs dont était ignoré le droit moral et était abandonné le droit patrimonial au glorieux « esprit des lois » : la « concurrence libre et non faussée ». J’avais souligné, enfin, la nécessité de réunir impérieusement un conseil, appelé « Beaumarchais-Internet-Responsabilité publique et sociale », authentiquement pluraliste et chargé de travailler à une alternative à la pensée « vulgaire » de l’Hadopi. Bref, d’être une « cité créatrice ». Pour être conséquents, avec mes collègues du groupe CRC-SPG, nous avions proposé six amendements traduisant cette démarche, à la fois indépendants les uns des autres tout en s’enrichissant mutuellement.

- Premièrement, la réaffirmation solennelle du droit d’auteur comme un droit fondamental comprenant le droit moral et garantissant la rémunération de l’auteur et de ses ayants droit.
- Deuxièmement, la reconnaissance de l’accès à Internet à haut débit comme droit fondamental accessible à tous les citoyens de manière égalitaire sur l’ensemble du territoire.
- Troisièmement, la création du conseil Beaumarchais-Internet-Responsabilité publique et sociale.
- Quatrièmement, la contribution des opérateurs de télécommunications au financement des droits d’auteur et de la création.
- Cinquièmement, la constitution d’une plate-forme publique de téléchargement (votée à l’unanimité par le Parlement en 2006 et toujours pas appliquée !).
- Sixièmement, la garantie des droits d’auteur des journalistes.

Tous ont été rejetés par la majorité. L’approche du pouvoir, à travers l’Hadopi, est un monde des issues fermées. Nous avons alors décidé de ne pas participer au vote de ce texte piégeant par tous les bouts. Notre approche propose un monde des issues ouvertes, où chacun ne fait pas de sa différence, une indifférence aux autres différences, mais après une vraie « dispute » incontournable, pratique l’hospitalité pour l’autre. C’est pourquoi, les états généraux de la culture [1] vous convient, le lundi 28 septembre, toute la journée, salle Monnerville au Sénat, à contribuer à la création civilisatrice de réelles solutions qui en finiront avec les « retards d’avenir » de la complicité pouvoir-grandes affaires.

Jack Ralite, sénateur de Seine-Saint-Denis

Notes

[1Pour tout renseignement, s’adresser au 01 42 34 31 04, fax : 01 42 34 42 58. Courriel : j.ralite’arobase’senat.fr.

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