
Une déclaration de Pascal Beaudet
Le maire de Neuilly à Aubervilliers : refuser la provocation
samedi 10 janvier 2009
Le maire PS de notre ville, Jacques Salvator vient d’inviter à Aubervilliers [1], Jean-Christophe Fromantin, le maire de Neuilly-sur-Seine, soutenu par l’UMP aux dernières élections municipales. Le Parisien du 8 janvier présente cette visite inattendue comme « une rencontre au sommet des plus détonantes ». Cette démarche pourrait assurément exploser à la figure de ses initiateurs.
Ainsi le maire de l’une des villes de France les plus riches, où près de 12 % de la population paient l’impôt sur la fortune, vient faire une visite de bienfaisance à une ville dont chacun connaît les dures réalités de vie de la plupart de ses habitants. Jacques Salvator a même le mauvais goût de parler, avec « ironie » paraît-il, d’« une coopération nord-sud ». Comment peut-il faire preuve d’autant de mépris à l’égard de la population qui l’a élu.
On fait ainsi d’Aubervilliers une espèce de « réserve indienne » que les riches touristes pourraient visiter en s’attendrissant sur le sort des pauvres. Vont-ils jeter quelques pièces par les fenêtres de leur voiture pendant la visite ? La mairie les emmènera manger dans un foyer de migrants le midi pour qu’ils puissent à loisir se vautrer dans les problèmes qu’ils ne rencontreront jamais, ces hommes de la majorité présidentielle qui font tout pour empêcher à la population de nationalité étrangère de s’intégrer en France.
Jacques Salvator va même jusqu’à parler d’une coopération possible entre les jeunes des deux villes. Mais que peuvent donc attendre les jeunes d’Aubervilliers, habitués à se battre pour conquérir leurs droits à l’instruction, à la formation, à un vrai métier, à un logement, en bref à la vie tout simplement, de filles ou de fils à Papa dont l’avenir est tracé d’avance ?
Cette initiative est une véritable provocation à l’encontre de la population d’Aubervilliers comme de celle de la plupart des villes de Seine-Saint-Denis.
Les collectivités territoriales, pas plus que les individus, ne portent en eux les gènes de la pauvreté. Aubervilliers n’a pas choisi d’être une ville pauvre. Depuis des lustres, tout a été mis en place par les gouvernements et les pouvoirs publics pour parquer les plus défavorisés dans certaines banlieues et protéger les riches dans d’autres. Et ceux-là même qui viennent le 16 janvier à Aubervilliers comme on irait, en se pinçant le nez, dévisager les « bas fonds » de la société, appartiennent ou soutiennent des formations politiques qui aggravent cette politique, renvoyant les plus pauvres toujours plus loin de la capitale.
Si à Aubervilliers, les logements sociaux représentent 40 % des habitations, à Neuilly le score n’est que de 2,6. Cette ville préfère payer la taxe imposée par la loi Sru (Solidarité et renouvellement urbain) plutôt que de construire des logements accessibles. Tous les maires de Neuilly qui se sont succédé – Peretti, Sarkozy ou Fromantin – préfèrent payer pour que la pauvreté reste à leurs portes. Il doit bien y avoir des candidats parmi les 4000 demandeurs de logements sociaux à Aubervilliers qui ne refuseraient pas un logement à Neuilly. Il est temps que toute la loi Sru s’applique pleinement et que les villes comme Neuilly soient contraintes de construire pour toute la population de la Région parisienne et pas seulement pour les riches.
Aubervilliers n’est un pays sinistré qui fait l’aumône de quelques pièces et n’a pas besoin d’être « civilisé ». Aucune catastrophe naturelle ne nécessite une aide « humanitaire » des « bons samaritains » de la banlieue chic. Ses habitants n’ont pas besoin de la charité complaisante de ceux qui mettent tout en œuvre, au plus haut niveau, pour que l’égalité reste un vain mot.
Les Albertivillariens, jeunes ou moins jeunes, français ou immigrés ne demandent qu’à vivre dignement et à rendre effective, dans toutes ses dimensions, la belle devise républicaine « liberté, égalité, fraternité ».
Depuis toujours, Aubervilliers est une ville solidaire et digne qui lutte pour les droits de sa population, elle n’attend rien d’autre que la justice.
Le Maire de Neuilly-sur-Seine et le député Ump des Yvelines ne sont pas les bienvenus à Aubervilliers.
Pascal Beaudet
Président du groupe communiste et citoyen au Conseil municipal d’Aubervilliers, Ancien maire d’Aubervilliers
Notes
[1] rencontre prévue pour le 16 janvier
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