Vers la fin de l’éducation prioritaire à Aubervilliers ?
L’objectif de l’éducation prioritaire, c’était d’en sortir ; Peillon s’y emploie !
jeudi 6 février 2014
Lors de la création des premières ZEP en 1982, leurs promoteurs caressaient l’utopie de voir les collèges et lycées sortir un à un du classement ZEP. On imaginait que la situation sociale des quartiers difficiles s’améliorerait grâce à la mise en commun du travail de tous les acteurs de la politique de la ville. On n’aurait alors plus besoin d’allouer de moyens supplémentaires aux collèges et lycées classés. Trente ans plus tard, le bilan est très, très, loin des attentes. Et chacun y va de son analyse sur l’efficacité de l’éducation prioritaire. Plutôt que de mettre en œuvre des politiques économiques et sociales en rupture avec les orientations destructrices que les populations de nos quartier paient comptant, on préfère mettre l’accent sur le coût et l’efficacité des moyens mis en œuvre.
Des moyens si coûteux ?
Oh, ces moyens supplémentaires ne coûtent pas bien cher car les établissements concernés, et c’est le cas à Aubervilliers, accueillent essentiellement de jeunes enseignants. Et on sait que dans une salle des professeurs, à diplôme équivalent, les salaires vont du simple au double. Un professeur à Henri IV (il faut des points pour aller à Henri IV, donc de l’ancienneté) revient "deux fois plus cher" que le professeur au collège Diderot ou Gabriel Péri (qui est en général en début de carrière). Cela n’empêche pas les médias de continuer à dénoncer allègrement le coût des services publics dans les quartiers qui relèvent de la politique de la ville alors même que ceux qui les assurent (enseignement, police, poste...) sont en général de jeunes agents en début de carrière, donc peu rémunérés.
Peillon continue à casser le schéma issu du mouvement du 93 en 1998
Lors du mouvement du 93 en 1998, la très forte mobilisation de la communauté scolaire avait permis le classement ZEP de nombreux établissements du département, dont les cinq collèges d’Aubervilliers. Certes, la carte des ZEP était encore incomplète avec quelques trous dans le premier degré et les lycées, mais le rapport de force avait permis que soient pris en compte les besoins de l’ensemble des établissements en terme de nombre d’élèves par classe, de moyens d’enseignement alloués...
Depuis le sinistre Claude Allègre, la succession des ministres a abouti au torpillage en règle de ce schéma avec une ribambelle de classements, (Réseaux d’éducation prioritaire, Réseaux Ambition Réussite, Clair, Eclair) qui, en plus d’ajouter à l’illisibilité du système, créaient des distorsions entre établissements. Ainsi, le collège Henri Wallon n’a depuis plusieurs années de ZEP que le label, ce qui a amené les enseignants à se mettre en grève mardi 4 février dernier. Il manquait 10 heures par semaine à leur dotation pour ouvrir la classe supplémentaire que l’académie a prévu en septembre 2014. Les enseignants de Diderot, dans une lettre ouverte largement diffusée dénoncent le sentiment d’abandon dans lequel se trouve leur établissement, tant du point de vue des moyens d’enseignement qui lui sont alloués pour la rentrée prochaine que de l’état des locaux.
Aujourd’hui, l’éducation prioritaire c’est "six opérations vitrine" dans le 93, dont le collège Jean Moulin
La priorité à l’éducation prioritaire selon Peillon passe désormais par l’abandon du label "Eclair" (de l’époque de Luc Chatel) et la création d’un label "REP +". Reprenant la juste revendication de dégager du temps pour permettre aux équipes enseignantes un réel travail en commun, le ministère accordera des moyens nouveaux à six établissements dans le département. Comme si la situation économique et sociale dégradée du département se limitait au secteur du collège Jean Moulin à Aubervilliers et à cinq autres secteurs dans le département. Le collège Jean Moulin bénéficiera aussi d’une reconstruction et d’un parc informatique de 400 ordinateurs neufs. On s’en réjouit, et ce n’est que justice quand on sait l’état de dégradation avancé du collège actuel. Mais on aurait souhaité que la reconstruction se fasse en maîtrise d’œuvre interne et non par un partenariat public privé dont on sait qu’avec les douze collèges concernés dans le 93, il siphonnera en grande partie les financements destinés aux autres 108 collèges du 93.
L’État gratte là où il peut encore gratter...
Mais là où le bât blesse, c’est pour doter correctement les six établissements "REP +" comme le collège Jean Moulin : les moyens sont pris sur tous les collèges du département. Et comme il n’y a plus grand chose à gratter sur les établissements non classés, on prend aux établissements ZEP. C’est ce qu’a tenté de faire la direction de l’éducation nationale de Seine-Saint-Denis en annonçant que les moyens liés aux établissements classés ZEP serait alloués dans un second temps. Sans doute pour tâter le terrain. Elle s’est finalement ravisée assez vite, suite à la mobilisation sur cette même question dans les ZEP du département des Hauts de Seine, mais manifestement, le compte n’y est pas. L’Huma l’a d’ailleurs relatée, notamment dans son édition du mardi 4 février.
Et on sait que dans le 93, il n’est jamais très bon de chauffer les esprits. Pour l’heure, à Aubervilliers, après la grève à Henri Wallon le 4 février, la journée d’action du 6, celle qui est prévue le 13 sur les rythmes scolaires, sans parler de la manifestation du samedi 8 à 11h00 devant la mairie d’Aubervilliers pour le premier degré, on sent que la pression monte. Sale temps pour Peillon mais sale temps pour Aubervilliers dont la population paie plein pot une politique nationale doublée d’une politique locale à contre courant des besoins. Comme si l’éducation pouvait se construire sur les opérations vitrine au mépris de l’intérêt du plus grand nombre.
Armand D.
NdMT : vignette : sortie des élèves au collège Gabriel Péri
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