Des collectivités incitées à s’endetter auprès des marchés financiers
vendredi 18 février 2011
Jeudi 3 février, des conseillers généraux communistes, soutenus entre autres par Pascal Beaudet, candidat au siège de conseiller général d’Aubervilliers-est, ont voulu remettre au préfet de Seine-Saint-Denis des pétitions réclamant que l’état rembourse à notre département les 640 millions d’euros qu’il doit. Le préfet a refusé de les recevoir. Le sous-financement des départements est pourtant patent comme le montre l’article de Pierre Ivorra que nous reproduisons ci-dessous. Notons au passage que la situation de la Seine-Saint-Denis, si préoccupante soit-elle, est loin d’être la plus préoccupante...
Nombre de départements, faute d’autonomie fiscale et en raison d’une insuffisance de ressources, sont contraints de recourir fortement à l’emprunt. Une spirale explosive à terme.
Quel est le département le plus endetté de la France métropolitaine ? Non, il n’est pas de la région parisienne, c’est le Nord, avec une dette supérieure à 1 milliard d’euros en 2009. Mais si l’on rapporte la dette au nombre de foyers fiscaux ou d’habitants, le classement change du tout au tout. Sont en tête, du point de vue du taux d’endettement, les départements ruraux comme le Cantal avec 4 302 euros de dette par foyer fiscal et 1 124 euros par habitant. Cela s’explique. Ils disposent de faibles ressources et doivent répondre à des besoins sociaux importants compte tenu de la pauvreté de populations rurales souvent âgées. Selon les chiffres donnés par le ministère de l’Intérieur, cette dette des départements est en forte hausse. Elle est passée de 18,16 milliards d’euros en 2004 à près de 25 milliards en 2008. Entre 2001 et 2009, la dette de la Corrèze a explosé, augmentant de 850 %, celle de la Seine-Saint-Denis de seulement 17,2 %, celle de la Moselle de 4 731% ! Un endettement évidemment alimenté par un recours accru aux emprunts. Un flux annuel de 3,37 milliards d’euros en 2004, monté à 5,28 milliards en 2008 pour l’ensemble des départements. Une bonne partie de ces emprunts ont d’ailleurs servi à rembourser des dettes antérieures. Cet endettement n’est pas très élevé mais, dans le contexte de la perte d’autonomie fiscale des conseils généraux, il risque de leur poser de sérieux problèmes à terme. Ils sont en effet obligés légalement de couvrir la charge d’intérêts et de remboursement du capital par des ressources tirées de l’impôt alors que, comme toutes les collectivités, ils disposent d’une autonomie fiscale de plus en plus réduite. Pour payer leurs dettes, ils vont donc devoir continuer à s’endetter.
Comment expliquer cette montée de l’endettement ? Pris en tenaille entre la montée de leurs charges et l’insuffisance de leurs ressources, de plus en plus dépendants de dotations budgétaires que l’État a décidé de geler, les conseils généraux ont pour ressource soit de contraindre leurs dépenses, soit d’emprunter sur les marchés financiers. C’est dans ce cadre que plusieurs départements et des villes importantes ont été victimes de pratiques bancaires indélicates. Le conseil général du 93 vient ainsi d’annoncer qu’il assignait en justice 3 banques, afin de faire annuler des emprunts. Le maire UMP de Saint-Maur-des-Fossés entend porter plainte contre 5 banques.
Tout cela milite notamment pour une remise en cause de la politique de l’État et pour que les collectivités retrouvent un réel pouvoir fiscal, essentiellement sur… les entreprises et la création de richesses.
Pierre Ivorra (dans l’Humanité du 16 février 2011)
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