Quelques réflexions politiques après les élections régionales des 14 et 21 mars 2010
lundi 22 mars 2010
Après le deuxième tour du scrutin des élections régionales qui a vu s’amplifier les dynamiques installées le dimanche 14 mars il est utile, dans le cadre de notre site local, de revenir sur les résultats du premier tour à Aubervilliers.
Mais, disons le d’emblée, une question de méthode d’analyse se pose. En effet, un résultat ne s’apprécie pas en lui-même mais en relation avec d’autres. Autrement dit il doit être comparé si l’on veut déterminer sa signification par rapport à une dynamique d’influences.
De ce point de vue deux comparaisons sont possibles : l’une avec les élections régionales de 2004 qui sont de même type qu’en 2010 mais lointaines de six années ; l’autre avec les élections européennes qui sont d’un autre type mais qui ne sont éloignées que d’une année.
On écartera les scrutins présidentiels/législatifs et municipaux de 2007 et 2008 qui présentent des caractéristiques très particulières, l’un, national, inscrit dans les logiques de bipolarisation est suivi d’un scrutin législatif marqué par les caractéristiques du précédent, l’autre, local, mobilisant des données particulières.
1 – Quelques caractéristiques nationales
On notera cependant, comme caractéristique commune à cette série d’élections le fait que (sur le fond d’une abstention variable mais toujours importante) beaucoup d’instabilités se manifestent. Il en est ainsi de la participation, de la volatilité d’une partie considérable de l’électorat, qui fait émerger des forces que l’ont peut penser pérennes puis les efface, et en fait apparaître d’autres, promises à un avenir tout aussi incertain.
Il en est ainsi du Modem, un temps promu comme une offre politique solide et qui s’estompe bientôt du paysage. L’extrême gauche se trouve, à un degré en-dessous, placée dans la même situation. Un temps propulsé par les médias (Arlette Laguillier – Lutte ouvrière - lors de la présidentielle, Olivier Besancenot à la même occasion et ultérieurement suite à l’opération de création du NPA) ce courant connait la désaffection et retrouve sa marginalité nationale.
Les « écologistes » subissent le même sort mais dans une trajectoire inverse appuyée sur la double promotion médiatique de Cécile Duflot et de Daniel Cohn-Bendit : les Verts, recomposés dans la construction « Europe-Écologie » semblent avoir agrégé des courants de gauche et de droite et se trouvent pour l’heure installés dans le paysage d’une manière ambigüe mais significative.
Ajoutons que le Front national un moment donné recyclé par l’UMP retrouve à l’occasion des régionales une existence préoccupante non décelée par les sondages qui sont, une fois encore, apparus comme des instruments incertains et relativement manipulatoires des opinions.
S’agissant du Front de gauche et de l’offre politique nouvelle qu’il représente on observera l’ostracisme dont il a été constamment l’objet de la part des medias et le fait qu’il parvient à s’installer comme une réalité durable peu sensible aux variations d’influence qui affectent les autres courants politiques.
Comment les éléments que nous venons d’évoquer se traduisent-ils à Aubervilliers et des singularités s’expriment-elles au niveau local ?
2 – Les résultats à Aubervilliers
Sont donnés (avant commentaires), dans le tableau suivant les chiffres essentiels des élections régionales de 2004, des européennes de 2009 et des régionales (1er tour) de 2010.
{{}} | Régionales 2004 | Europ.2009 | Régionales 2010 | Reg 2010 / Reg 2004 | Reg 2010 / Eur 2009 |
Inscrits | 22 414 | 25 949 | 24 879 | + 2 465 (+ 11%) | - 70 |
Votants | 11 712 | 7 102 | 9 240 | -2 472 | + 2 138 |
Abstentions + blancs ou nuls | 11 081 (49,43%) | 19 072 (73,49%) | 16 994 (65,66%) | + 5913 | +2 078 |
Exprimés | 11 333 (50,56%) | 6 878 (26,50%) | 8885 (34,33%) | -2448 | + 2 007 |
Front de gauche | 2 250 (19,85%) | 1 204 (17,51%) | 1 590 (17,90%) | -660 (-1,95%) | + 386 (+ 0,39%) |
PS + PRG + MDC | 3 270 (28,05%) | 1 072 (15,59%) | 2 488 (28,0%) | + 160 (+ 9,95%) | + 1 416 (+12,41%) |
Verts | Avec PS | 1 034 (15,03%) | 942 (10,60%) | Avec PS en 2004 | -92 (-4,43%) |
Extrême gauche | 804 (7,09%) | 665 (6,65%) | 751 (8,46%) | + 53 (+ 1,37) | + 294 (+ 1,81%) |
UMP | 1 439 (12,70%) | 1 144 (16,53%) | 1 152 (12,97%) | -287 (+ 0,27%) | +8 (-3,66%) |
Modem | 961 (8,48%) | 431 (6,27%) | 312 (3,51%) | -649 (-4,97%) | -119 (-2,76%) |
Front national | 2 183 (19,26%) | 569 (8,27%) | 1 212 (13,64%) | -971 (-5,62%) | + 643 (+ 5, 37%) |
Autres | 426 (3,75%) | 759 (11,03%) | 438 (4,92%) | -321 (-1,17%) | + 8 (-6,11%) |
On note que :
Le corps électoral qui avait progressé de près de 3 500 inscrits entre 2004 et 2009 stagne en 2010.
La courbe des exprimés et des abstentions suit les tendances nationales avec un décrochage vers le bas à peu près constant de 10 points.
Entre 2004 et 2010 le niveau de l’abstention a progressé de plus de 11 points : 50 % des électeurs s’étaient exprimés en 2004, à peine plus d’un quart en 2009 et un peu plus d’un tiers seulement en 2010. Ce niveau très élevé de l’abstention, qui est une donnée nationale, prend une signification accrue à Aubervilliers en raison des caractéristiques sociologiques de la ville. Cette situation pèse d’un poids important dans les analyses que l’on peut faire.
3 - A droite
l’UMP se situe aux alentours de 13% et ne connait pas entre 2004 et 2010 d’évolution d’influence significative ;
le Modem est installé sur une pente de grand affaiblissement, en concordance avec les tendances nationales ;
l’influence du Front national suit aussi les pentes nationales et sujet désormais à de fortes variations, se situe en 2010 au-dessus de 13%.
Au total, la droite et l’extrême droite qui pesaient plus de 40% en 2004 ne se situent plus en 2009 qu’à 31% et à 30,18% en 2010. Le recul d’influence de la droite et de l’extrême droite est donc une caractéristique très importante de la période, l’UMP paraissant stable et les variations du FN équilibrant celles du Modem.
4 – A gauche
S’agissant du Parti socialiste, la lecture des scrutins est assez complexe. Le PS (et ses petits alliés PRG, MDC) faisait liste commune avec les Verts en 2004 qui avait obtenu 28%. En 2010 le PS et ses petits alliés réalisent le même score après avoir connu un résultat très mauvais lors des européennes (15,59%). Le progrès du vote socialiste en 2010 correspond à la tendance généralement observée. Elle n’exprime nullement une dynamique locale que le PS n’a d’ailleurs guère cherché à susciter (campagne de très faible intensité voire inexistante) ;
l’apparition d’un vote « écologiste » est la grande caractéristique de la période. Ce vote s’établit à un haut niveau (15,03%) lors des européennes et demeure important en 2010 (10,60%) bien qu’en forte décrue (- 4,43points). Cette variation est l’indice d’un électorat instable. Le vote « écologiste » semble capable d’agréger, selon les circonstances, des voix du centre (Modem) et du PS comme cela parait avoir été le cas lors des européennes. Ce vote récent, fragile et ambigu se confirmera-t-il ? Il est trop tôt pour le dire.
l’extrême gauche (NPA/Lutte ouvrière) enregistre des résultats non négligeables et en progression pour le NPA. Ces votes se situent à un niveau double du score régional en 2010 et s’ils expriment l’aspiration à une rupture sociale radicale ne peuvent être mis au compte d’une intervention militante très faible, voire inexistante, sur la localité.
Le Front de gauche (qui est à Aubervilliers essentiellement construit à partir du Parti communiste) apparait comme la force de gauche la moins soumise à des variations. Certes on observe un léger recul en 2010 par rapport aux régionales de 2004, mais celui-ci est bien inférieur à celui observé en Seine-Saint-Denis. Notons qu’en 2004 la municipalité était à direction communiste, ce qui n’est pas le cas en 2009 et 2010. La perte de la municipalité n’a donc pas affecté l’influence de ce courant. On notera même un léger progrès en 2010 par rapport à 2009 (+0,39 point). Incontestablement le courant incarné par le jeune Front de gauche est désormais incontournable et capable de provoquer une dynamique politique aussi bien nationale que locale. Le fait qu’il ait été la seule organisation à mener de très actives campagnes à l’occasion des différentes élections témoigne de ressources militantes importantes. Les résultats contrastés enregistrés selon les quartiers imposent cependant un redéploiement et une homogénéisation de l’intervention militante sur la ville.
5 – Les résultats du second tour
Les résultats du deuxième tour s’inscrivent dans les tendances nationales et régionales.
On observe une très légère augmentation de la participation (+487 votants), qui ne se traduit que de manière affaiblie au niveau des exprimés (+221, 36,60%) en raison d’une augmentation du nombre des bulletins blancs et nuls qui progressent de 269 (624 contre 355).
Alors que le potentiel des voix de droite et d’extrême droite était de 3 033 (34,13) les suffrages recueillis par Valérie Pécresse ne s’élèvent qu’à 2 459 (27%). A l’inverse le potentiel des voix de gauche et d’extrême gauche qui était de 5 771 (64,93%) est augmenté, les suffrages exprimés s’élevant à 6 647 (73%).
Rappelons qu’en 2004, qui avait vu une triangulaire, les résultats étaient les suivants : UMP 2 639 voix (22,11%), Front national 1 929 voix (16,16%), Gauche unie 7 367 voix (61,73%).
Le niveau plus élevé de l’abstention en 2010 a pour effet de provoquer une progression de plus de 11 points pour la liste de la gauche unie (mais un recul de 720 voix) et un recul de plus de 11 points et de 2 109 voix par rapport aux scores UMP+FN de 2004.
André Narritsens
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