Lettre de Jack Ralite au collectif "Ni riches, ni pauvres, ni soumis"
Retour sur la loi Boutin
vendredi 22 mai 2009
Jack Ralite répond au Collectif "ni riches, ni pauvres, ni soumis" de la Maladrerie à propos de la mise en place d’un surloyer dans les HLM de la ville.
Au Collectif « ni riches ni pauvres ni soumis, les locataires de la Maladrerie disent NON au surloyer Boutin à Aubervilliers »
Mesdames, Messieurs,
Vous m’avez saisi le 2 avril dernier, de votre émotion devant les mesures prises par Madame BOUTIN, Ministre du Logement, relatives aux familles qui paient ou vont payer un surloyer.
Vous avez fait l’effort militant important d’étudier un certain nombre de cas de familles concernées par la mesure et votre étude démontre que l’acte de Madame BOUTIN est injuste et fait basculer, à tous les sens du terme, la vie des familles concernées.
Je suis membre depuis des années du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées, fondé par l’ancien Président de la République, Jacques CHIRAC, sur une proposition de l’abbé PIERRE.
Par ailleurs, j’ai participé à l’élaboration de la loi DALO créant un « droit opposable » pour toute personne d’origine modeste à qui ne serait pas attribué un logement.
Mais aujourd’hui la mesure qui vous concerne est marquée par la violence à l’égard d’une catégorie de la population dont les revenus ne sont certes pas identifiables à la pauvreté, mais non plus à la richesse.
Il s’agit pour l’essentiel de personnes originaires d’Aubervilliers qui y vivent depuis longtemps et qui ont exercé des métiers où ils ont gravi des échelons leur permettant une vie plus agréable, décente.
Un Office HLM a certes pour préoccupation majeure de loger les plus pauvres. Mais il a aussi l’obligation civique et éthique de favoriser la mixité sociale sans laquelle il n’y a pas de vie de société digne de ce nom.
Déjà nous connaissons des phénomènes communautaires. Nous risquons d’aller plus loin et de connaître la ghettoïsation.
Une bataille immense a eu lieu à propos de l’article 55 de la loi GAYSSOT obligeant les villes à construire 20 % de logements sociaux que par tous les moyens la majorité actuelle a tenté de remettre en cause.
Madame BOUTIN n’y a pas renoncé et il a fallu une résolution très forte de l’opposition au Parlement pour qu’elle cède. Mais elle s’est amplement rattrapée à travers sa loi de « mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion » et à partir d’un décret en date du 21 août 2008 au sujet de nouvelles règles du supplément de loyer qualifié abusivement de « solidarité ».
Permettez-moi une énumération :
1 – Le Gouvernement avec cette loi ne construit pas un logement social de plus, il en construit moins.
2 – Le Gouvernement avec cette loi encourage les Office HLM à vendre une partie de leurs logements sociaux, ce qui est une diminution de leur nombre.
3 – Le Gouvernement avec cette loi recommande fermement aux personnes âgées ayant un grand logement, mais plus d’enfant, à en chercher un plus petit.
4 – Le Gouvernement avec cette loi prévoit un abaissement de 10 % des plafonds de ressources pour l’accès au logement social.
5 – Avant le vote de cette loi, Madame BOUTIN a pris un décret n° 2008-825 du 21 août 2008 concernant le calcul du surloyer qui aboutit a une extension des locataires concernés et à une hausse des loyers dont votre étude montre les invraisemblables montants.
L’Office lui-même a fait une étude dont j’extrais le cas d’une famille de trois personnes ayant un revenu fiscal de 46.000 € dépassant le plafond de ressources de 80 %. Elle payait 69 € de surloyer en 2008 et devra payer 968,30 € avec l’application de la loi BOUTIN.
Les débats lors du vote de la loi BOUTIN ont été très vifs sur l’ensemble de ces questions et le groupe communiste tant à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat s’est battu contre le surloyer, contre son augmentation, contre la limite d’âge à partir duquel les dispositions ne peuvent plus s’appliquer (70 ans) et contre la modification du plafond existant. Dans les deux cas, Madame BOUTIN a été mise en minorité. Par exemple pour les plafonds, le 21 octobre 2008, au Sénat, il y avait 311 votants, 160 ont voulu qu’on ne les modifie pas, 151 qu’on les modifie. Le Gouvernement a fait rétablir la hausse du plafond par un deuxième vote et établir à 65 ans la limite d’âge, le 10 février 2009, cette fois-ci à l’Assemblée Nationale.
Aujourd’hui, les mesures ne sont pas appliquées pour un an, les villes utilisant ce calendrier pour modifier éventuellement leur Plan Local de l’Habitat en déterminant des zones géographiques ou des quartiers où le surloyer ne s’appliquerait pas.
Pour Aubervilliers, je suis pour que l’ensemble de la ville soit exclu de cette loi.
Je sais que les huit maires de « Plaine Commune » ont demandé, en décembre 2008, un rendez-vous à Madame BOUTIN. A ce jour, la Ministre n’a pas daigné répondre.
Et pendant cette période, a été votée, une modification de la loi de finances dans laquelle le Gouvernement a fait approuver un dégrèvement fiscal de 75.000 €/logement pour la personne qui investirait dans le logement. Ça n’est pas une aide au logement social, c’est simplement une sorte de niche fiscale dont on a déjà fait l’expérience avec la loi DE ROBIEN qui donnait aussi un cadeau fiscal et dont beaucoup de logements construits, étant donné leur niveau de loyer, n’ont pas trouvé preneur.
A mon avis, il y a trois actions à envisager pour lesquelles je m’engage, si vous le souhaitez :
1 – Ecrire à Madame BOUTIN, l’informant qu’une délégation se rendra à son Ministère à une date précise,
2 – Organiser à Aubervilliers, une table ronde où se retrouveraient l’office HLM, la mairie, l’organisation des locataires, votre comité, Plaine Commune, le député et le sénateur afin de promouvoir une solution qui forte de tous ces soutiens aurait des chances d’aboutir,
3 – Poser une Question Orale au Sénat, dans un délai à évaluer, obligeant Madame BOUTIN à donner son avis sur vos préoccupations combien légitimes.
Voilà ce qu’aujourd’hui je pouvais vous dire en réponse à votre courrier dont je vous remercie vivement et pour le contenu duquel vous pouvez considérer que vous avez, avec moi, un élu totalement solidaire.
Avec mes sentiments les meilleurs,
Jack RALITE
ancien ministre, sénateur de Seine-Saint-Denis
P.S. : J’attacherai beaucoup d’importance à connaître le résultat de votre réunion de mardi 19 mai 2009. Devant les protestations qui se sont élevées dans beaucoup d’endroits, il a été évoqué une révision du décret de Madame BOUTIN sur le surloyer, ce qui créé une opportunité dont nous devons nous saisir.
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