
2009 : Année de tous les dangers pour le logement social
lundi 19 janvier 2009
C’est cette année que tout se joue pour le logement social. Gérard Del Monte décortique pour nous la loi Boutin, analysant point par point les dégâts irréversibles que cette loi causera lorsqu’elle entrera en application.
Un demi-siècle après l’appel de l’abbé Pierre, le constat est terrible : Plus de 3 millions de mal-logés ; des centaines de milliers de sans logis ; près de 1,3 million demandeurs de logements sociaux ; 600 000 logements indignes ; il manque 800 000 logements sociaux ; un sans domicile fixe (SDF) sur trois travaille et est néanmoins privé d’accès au logement ; des personnes, des familles entières vivent dans l’angoisse de voir leur procédure d’expulsion aboutir.
C’est sur ce fond de crise du logement qui s’aggrave depuis plus de dix ans, que Madame Christine Boutin, Ministre du logement, défend son projet de loi dit « mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion ».
Ce projet de loi n’apporte aucun avenir pour les millions de personnes qui souffrent de ne pas avoir de toit parce que le niveau de construction de logements accessibles à tous est insuffisant, aucun avenir aussi pour ceux qui vivent dans un habitat dégradé, aucun avenir encore pour ceux qui peinent à payer les loyers insupportables du privé.
Ce projet de loi veut détruire les derniers outils d’intervention publique pour le droit au logement pour tous et partout.
Après le bradage aux banques commerciales des fonds du livret A, après une réforme de la caisse des dépôts et consignations, c’est aussi le 1% qui est mis à mal avec le vol de plus d’un milliard d’euros pour compenser le retrait de l’Etat de ses obligations en matière d’impulsion des politiques publiques du logement.
Cette loi, c’est également en matière de lutte contre le mal logement, les promesses non tenues aux organisations qui s’étaient constituées en plate-forme pour promouvoir le droit opposable au logement.
Fondamentalement, aujourd’hui, c’est l’ensemble du monde HLM que ce gouvernement tente de faire disparaitre.
Voyons quelles sont les grandes lignes de ce projet de loi :
Vente de 40 000 logements sociaux par an. C’est la politique du « tous propriétaire » voulue par Nicolas Sarkozy et qui aura comme conséquence, à terme, la démultiplication des copropriétés dégradées. Déjà quelques organismes HLM s’engouffrent dans la loi en incitant certains locataires à acheter leur logement. L’Etat a donc décidé de brader chaque année, 1% du patrimoine HLM. A écouter Mme la Ministre du logement, rien ne semble plus pouvoir enrayer cette braderie, alors que la France n’a jamais eu autant besoin de logements à loyers modérés. Aux organismes HLM qui ne peuvent plus construire par insuffisance de moyens et par absence d’aide de l’Etat, Madame Boutin répond : « vendez », ainsi vous aurez des fonds propres pour construire. « Tous propriétaire ! », c’est beau comme un rêve, mais lorsque l’on pousse les plus modestes vers la propriété privée, le plus souvent, le rêve vire au cauchemar. Une fois endettées par cet achat, les familles modestes ayant acquis leur appartement n’ont presque jamais les moyens d’entretenir ni le clos ni le couvert, ni les parties communes. Contrairement aux idées reçues, les quartiers les plus dégradés de France ne sont pas les cités HLM, mais des copropriétés privées dégradées, qui représentent jusqu’à 40% du parc immobilier de certains quartiers difficiles. Certaines familles qui seront encouragées à tomber dans cette terrible illusion du « tous propriétaire » doivent avoir en mémoire la crise américaine déclenchée par les crédits immobiliers consentis aux ménages modestes. Ce qui empêche le plus grand nombre d’entre nous d’accéder à la propriété, c’est d’abord le pouvoir d’achat et le pouvoir des banques. Et pour ceux qui le souhaitent, il devrait être possible de répondre à leur attente en développant des programmes d’accession sociale à la propriété. Ce n’est pas en vendant les HLM ou en multipliant les copropriétés privées que l’on parviendra à loger celles et ceux qui en ont vraiment besoin, mais en construisant davantage de logements sociaux qui soient véritablement accessibles à tous. En décidant de s’engager dans cette politique de vente, l’OPH d’Aubervilliers va contribuer à produire les copropriétés dégradées de demain en oubliant, volontairement, que son patrimoine est le bien commun de tous les locataires. Cette mesure s’ajoutant au surloyer fera que les locataires dis « très solvables », ceux là mêmes qui contribuent encore à un semblant de mixité sociale, quitteront le parc HLM. Les logements mis en vente seront assurément les mieux situés, les mieux desservis, les mieux entretenus. Le résultat est connu d’avance, vendre les logements HLM par quartier, par escalier, ou par immeuble, renforcera le phénomène de ghettos sans pour autant répondre à la demande actuelle des familles qui attendent un logement. Certes, il existe quelques locataires qui se montreront intéressés par cette mesure, mais dans cette affaire, s’agissant d’un bien commun, c’est l’intérêt général qui doit prendre le pas sur l’intérêt particulier. La vente à la « Sarkozy » des HLM est un mauvais coup contre le logement social. On peut comprendre que pour des raisons de soutien politique à cette idée d’une « France de propriétaires » certains organismes HLM, notamment dans des villes dirigées par la droite, appliquent cette mesure avec enthousiasme. Mais cela ne devrait pas être possible à Aubervilliers.
Réduction des délais d’expulsion. Pour les locataires qui rencontreront des difficultés financières au point d’être fortement endettés, et qui n’auront pas de solution de relogement, les délais d’expulsion qui étaient jusqu’à maintenant de trois années sont ramenés à douze mois.
Perte de l’usage du « droit » de suite. Cela concerne notamment les enfants en cas de décès ou de départ des parents titulaires du bail.
Remise en cause du bail sécurisé qui donnait droit au maintien dans les lieux. Cela se traduit , comme dans le privé, par l’instauration d’un bail 3/6/9 qui va fragiliser davantage le locataire.
Abaissement des plafonds de ressources pour l’attribution d’un logement social. Ce choix fera chuter fictivement la trop longue liste des demandeurs et affaiblira encore la mixité sociale du parc HLM. En clair, les moins pauvres n’auront plus accès au logement social. Cette baisse des plafonds de ressources augmentera automatiquement le nombre de locataires touchés par le surloyer et exclura mécaniquement des familles, soi-disant privilégiées comme certains couples salariés, de l’accès au logement social. En portant atteinte à la mixité sociale, la loi « Boutin » va transformer les HLM en « réserve » à pauvres. Toutes ces mesures sont en fait très liées les unes aux autres. Faute de constructions suffisantes, la modification des plafonds de ressources permet d’exclure certains demandeurs en attente de logement, elle donne aussi la possibilité de chasser certains locataires, les plus solvables, afin de libérer des logements, tout cela pour remplir le contrat « Sarkosien » du « tous propriétaire ».
Augmentation des surloyers pour les familles dépassant les plafonds de ressources. Cette décision vise à jeter dans les bras du secteur immobilier privé les locataires HLM les plus solvables. La baisse de 10% des plafonds de ressources, s’ajoutant au durcissement et à l’extension des surloyers, va pousser au départ des locataires qui sont facteurs de cohésion sociale dans nos quartiers et cités. Le surloyer était jusqu’ici applicable aux locataires de logements sociaux dont les revenus dépassaient de 60% le plafonnement de ressources prévu par la loi. Depuis le 1er janvier de cette année, le surloyer doit être payé par tous les foyers dont les ressources dépassent de 20% ce plafonnement.
Départ obligatoire du logement social pour les locataires ayant un revenu plus de deux fois supérieur aux plafond de ressources.
Déménagement des locataires en sous occupation après que les enfants soient partis du foyer. Le maintien dans les lieux étant remis en cause, les offices HLM pourront proposer des relogements aux locataires en sous occupation. En cas de refus, après trois propositions, les locataires pourraient recevoir, après préavis, leur congé.
Application de loyers différenciés selon les quartiers ou les immeubles. Ce choix instaure une politique du logement à plusieurs vitesses avec une différenciation du niveau de la qualité des prestations locatives. Le classement par catégorie d’immeubles aura une incidence immédiate. Dans les immeubles dit « côtés », les OPH pourront pratiquer jusqu’à 5% d’augmentation de loyer par an, que beaucoup de locataires ne pourront plus payer. A l’inverse, dans les bâtiments les moins « côtés », les moins entretenus, les loyers pourraient se stabiliser et les prestations se réduire. C’est à l’évidence là où se retrouveront les familles qui seront socialement les plus en difficulté.
Mise en place de la convention d’utilité sociale. Elle va permettre d’augmenter les loyers pour financer les travaux d’entretien. Là encore, ce sont les locataires qui vont régler la facture.
Remise en cause de la loi SRU. Le projet de loi « Boutin » en incluant l’accession à la propriété dans les logements comptabilisés comme sociaux pour l’exigence des 20% détruit le nécessaire élan de solidarité sur l’ensemble du territoire national. Cela ne va pas encourager certains maires à réserver du foncier pour du locatif aidé.
Ce sont là des attaques de très grande envergure contre le logement social et contre ses locataires.
Cette loi « Boutin » va aussi s’appliquer dans un environnement budgétaire qui voit un nouveau désengagement financier de l’Etat. Le budget de l’année 2009 est en effet en baisse de 7%.
Contrairement aux apparences, les mesures préconisées actuellement dans ce projet de loi sont d’une très grande cohérence. Elle ont un objectif précis : Saborder le logement social en réduisant encore et toujours la dépense publique destinée au logement sans tenir compte de la réalité ni de l’urgence des besoins.
Avec cette loi, la Ministre poursuit et aggrave le travail de destruction du secteur public du logement social engagé par les précédents gouvernements de droite.
Le projet de loi « Boutin », s’il est appliqué en l’état, ne conduira qu’à la hausse des loyers, à la ghettoïsation des quartiers, à l’exclusion massive de larges couches de la population du droit au logement qui seront encouragées à s’endetter pour acheter. Par ailleurs, cette loi ne règlera en rien la situation des demandeurs de logement.
On le voit bien, nous sommes loin, très loin des solutions nécessaires pour une bonne politique du logement social. Ce dont nous avons besoin, c’est de créer un véritable service public du logement et de l’habitat doté de moyens qui garantisse l’égalité d’accès à tous et la qualité des services. Ce dont nous avons encore besoin, c’est de faire appliquer la loi SRU, sans la modifier, en refusant toute dérogation et en imposant la production de logements sociaux (minimum 20%) dans les communes qui en sont dépourvues. Il est en effet indispensable que les logements sociaux soient équitablement répartit sur l’ensemble du territoire national. Nous préconisons aussi la construction de 800 000 logements sociaux dans les cinq prochaines années et la relance de l’accession sociale à la propriété avec des dispositifs plus efficaces et mieux sécurisés comme le prêt social de location/accession. Nous demandons l’augmentation des crédits d’Etat par unité de logement produite, et des garanties sur la pérénité des crédits d’Etat en faveur de la construction des logements sociaux. Nous exigeons la garantie des statuts locatifs,le gel des loyers avec compensation d’Etat pour les organismes HLM les plus en difficultés, ainsi que la revalorisation de 20% des aides au logement au titre du rattrapage. Nous croyons nécessaire de donner aux bailleurs les moyens financiers leur permettant d’entretenir correctement leur patrimoine à long terme en leur donnant un autre choix que l’obligation d’augmenter exagérément les loyers chaque année.
Repousser les attaques contre le logement social et faire aboutir quelques unes des solutions préconisées nécessitera des actions et des batailles fortes dans lesquelles les locataires et leurs associations auront à l’évidence un rôle déterminant à jouer.
Si l’année 2008 a été mauvaise pour le logement social, l’année 2009 pourrait être bien pire. Sans réaction, sans action, sans proposition, les locataires seront les premiers à faire les frais de cette politique. Là aussi, la gauche, avec une vraie politique de gauche est attendue...
Dans les semaines qui viennent, les communistes d’Aubervilliers organiseront des rencontres décentralisées avec les locataires des HLM de la ville en présence de Pascal Beaudet, Conseiller municipal, conseiller communautaire et ancien maire d’Aubervilliers.
Gérard Del Monte
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