A propos de la répression anticommuniste à Aubervilliers en 1940-1941

mercredi 16 octobre 2019

Les Cahiers d’histoire (revue d’histoire critique) dans leur livraison d’avril-juin 2019 (n° 142), viennent de publier une étude de Louis Poulhès, intitulée : « La répression anticommuniste du printemps 1940 au printemps 1941 : l’affaire de l’usine Breguet d’Aubervilliers ».

L’auteur, agrégé d’histoire, ancien élève de l’IEP de Paris et de l’ENA, est le fils de Louis Poulhès, l’un des condamnés de l’affaire. L’étude (que l’on peut lire ici) nous introduit au cœur des mécanismes de répression anticommuniste de la période. La traque policière est en effet réalisée par une nouvelle brigade des Renseignements généraux spécialement chargée de la lutte contre le PCF. L’affaire est enclenchée sous la Troisième République et se poursuit sous l’Etat français, le régime de Vichy témoignant ainsi d’une belle continuité anticommuniste.

Louis Poulhès nous fait suivre la manière dont la police réussit à reconstituer le réseau de distribution de tracts au sein de l’usine Breguet implantée au 28 rue du Pilier à Aubervilliers et qui emploie environ 300 personnes.

Parmi les interpellés figure Raoul Gosset, âgé de 42 ans qui a été jusqu’en 1938 secrétaire adjoint de la section d’Aubervilliers du PCF. Raoul Gosset, s’il joue un rôle important dans le système d’organisation de la diffusion des tracts au sein de l’usine, occupe aussi des responsabilités dans l’appareil clandestin de la région Nord du PCF vers laquelle une seconde enquête va être conduite.

Forts des succès rapidement obtenus, les Renseignements généraux exploitent médiatiquement les arrestations réalisées. Dès le 6 avril les journaux donnent à celles-ci une grande résonance.

L’affaire est soumise à la juridiction militaire. Le 10 juin, les détenus sous juridiction militaire sont transférés vers le camp installé à Gurs près d’Oloron dans les Basses-Pyrénées. Dans la confusion de l’époque, seulement six atteignent leur destination et sept autres s’évadent. Les sept femmes impliquées dans l’affaire d’Aubervilliers sont, pour leur part, libérées dans diverses circonstances liées au caractère troublé de l’époque.

La procédure judiciaire poursuit son cours et, en définitive, 24 prévenus sont appelés à comparaître devant un tribunal de Périgueux. Le verdict est relativement clément pour les cinq prévenus présents mais très dur pour ceux qui ne sont pas là.

Parmi les 24 inculpés de l’affaire le devenir de 19 d’entre eux est connu : deux seront fusillés (Raoul Gosset et André Fauré), deux meurent en déportation (Fernand Barthélémy et Gustave Beaucourt), sept sont déportés et survivent à l’épreuve. Quatre des femmes inculpées sont remises aux allemands pour être déportées à Ravensbrück. Régine Gosset meurt le 3 octobre 1943 à la prison de Rennes. Plusieurs sont détenues dans divers camps et prisons. On lira dans l’étude de Louis Poulhès le détail d’autres destins.

On l’aura sans doute compris, l’affaire de l’usine Breguet (et de la région Nord de Paris) est très représentative de l’obstination et de la violence anticommuniste de la période. Elle révèle la mise au point de méthodes de traque qui seront largement déployées et perfectionnées par la suite.

Elle préfigure ce que sera l’action répressive contre les militants communistes d’Aubervilliers dont nous devons encore écrire une histoire complète. L’étude de Louis Poulhès nous incite à suivre ce chemin.

Prochainement, Louis Poulhès viendra à Aubervilliers nous parler de cette histoire. Nous vous indiquerons le rendez-vous.

André Narritsens

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