Hommage à Jack Ralite : L’allocution de Catherine Tasca

vendredi 1er décembre 2017

A Jack Ralite,

Notre amitié est née en 1968 dans la cour du Ministère de la Culture rue St Dominique. Lui au PC et moi au PSU, nous vivions différemment les événements mais nous nous retrouvions dans l’amour de l’Art et la Culture et notre empathie avec les artistes et les travailleurs de la Culture.

L’occupation de l’Odéon, les paroles de Jean-Louis Barrault, plus tard les rencontres de Villeurbanne, occupaient nos discussions. De grandes amitiés nous réunissent depuis ces jours : JeanVilar, Paul Puaux, Pierre Boulez, Roger Planchon, Patrice Chéreau, Ariane Mnouchkine, Michel Piccoli, Dominique Blanc... Des amitiés qui ne nous ont pas quittés. Lui journaliste puis élu local, maire d’Aubervilliers, qui avait su ancrer dans sa ville populaire l’aventure de Gabriel Garran et du Théâtre de la Commune. Moi, alors jeune fonctionnaire bien décidée à me frayer un chemin aux côtés des artistes et professionnels de la culture.

Nous nous sommes vite découvert une communauté de pensée sur le rôle irremplaçable des Arts et de la Culture dans l’évolution de la société, sur la responsabilité de l’Etat et des élus dans leur protection et leur partage, sur le lien incontournable inéluctable entre culture et démocratie.

La politique culturelle fut pendant 5 décennies notre passion commune. Lorsqu’en 1981 il devint Ministre de la Santé j’étais fière d’être de ses amies comme j’étais fière de ces quatre ministres communistes, tous quatre, hommes de grande qualité qui donnaient à croire dans l’Union de la gauche. Je n’ai pas oublié ce moment trop bref de notre histoire.

En tant qu’homme politique Jack n’a jamais cessé de se battre pour la place de la culture dans notre modèle de société.

Récemment encore, au sénat où je l’ai rejoint en 2004, sa voix portait si loin et fort lorsqu’il prenait fait et cause pour la création, pour le cinéma qu’il adorait, pour un vrai audiovisuel public, pour la lutte des intermittents. Il a été de tous les combats et leur à donné droit de cité avec ses Etats généraux de la Culture. Au delà de sa face "publique" ce qui pour moi était le plus étonnant,le plus rare, et qui forçait l’admiration, c’était son investissement personnel. Aucun art ne lui était indifférent. Nous nous sommes retrouvés ensemble auprès de LEIC. Chaque jour de sa vie il a été muni d’un livre qu’il lisait (lui), chaque jour il allait au spectacle , il entretenait des relations étroites avec tel poète, tel comédien, tel écrivain. Il puisait en eux sa respiration, son énergie, sa réflexion . D’autres que lui, on fait de la culture le ciment de leur vie, mais aucun avec autant de constance, autant d’audace et de curiosité. Les nombreuses citations dont il émaillait ses écrits et ses discours étaient comme autant de cadeaux qu’il nous offrait en passeur de culture, d’intelligence et de sens du collectif. Ce collectif qui toujours été au coeur de son engagement.

Le beau titre de l’Humanité " le politique et le poétique" résume le mieux ce qu’incarnait Jack Ralite pour moi et pour tant d’autres aujourd’hui dépouillés de sa présence, de sa source.

A nous de penser à lui et de nous en inspirer.

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